La Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce
internationale, considérée comme l’institution arbitrale la plus importante sur le plan mondial, a adopté le 17 décembre dernier deux décisions majeures dont l’objectif est de renforcer la transparence et l’efficacité des procédures arbitrales conduites sous son égide. Entretien avec Roland Ziadé, avocat aux barreaux de Paris, New York et Beyrouth, spécialiste de l’arbitrage et associé au sein du cabinet Linklaters.

L’arbitrage est-il répandu au Liban ?
Ce mode de règlement des litiges s’est développé de manière significative ces dernières années, au niveau international et notamment au Liban, où le droit de l’arbitrage, largement inspiré du droit français, est particulièrement libéral. Le nombre de parties libanaises ayant recours à l’arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI) n’a cessé de croître. Elles sont passées de 41 pour la période 2005-2009 à 62 pour la période 2010-2014, soit en moyenne 12 nouvelles parties libanaises par an au cours des cinq dernières années. À titre de comparaison, seules quatre nouvelles parties libanaises par an étaient impliquées dans des arbitrages CCI à la fin des années 1990. Les parties libanaises sont par ailleurs des utilisateurs actifs de l’arbitrage CCI puisqu’elles étaient demanderesses pour plus de 70 % d’entre elles pour la période 2010-2014, un chiffre lui aussi en augmentation.

Comment expliquer ce succès ?
L’arbitrage s’est imposé comme le mode usuel de règlement des litiges entre sociétés libanaises et étrangères, mais il s’est également développé sur le plan interne, entre sociétés libanaises. Au-delà de sa neutralité, il est apprécié pour sa rapidité (les éventuels recours pour contester une décision étant par exemple beaucoup plus limités) et sa fiabilité par comparaison avec certaines juridictions étatiques, notamment pour les litiges complexes, sensibles ou aux enjeux importants.

Y a-t-il des obstacles à l’exécution des sentences arbitrales au Liban ?
La plupart d’entre elles sont exécutées spontanément par les parties. En outre, le Liban est partie à la Convention de New York de 1958 pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères aux termes de laquelle les motifs de refus d’exécution sont limités, ce qui favorise la reconnaissance d’une sentence arbitrale par le juge libanais.
Cela dit, l’exécution de certaines sentences, notamment à l’encontre d’une entité publique, peut être plus problématique.
Elle peut en effet présenter des difficultés liées à des questions d’arbitrabilité, de capacité à contracter une clause d’arbitrage ou d’immunité, et ce même une fois la sentence rendue par le tribunal arbitral.

Que vont changer les nouvelles mesures prises par la Cour internationale d’arbitrage de la CCI ?
La Cour vient d’annoncer deux décisions majeures dont l’objectif est de renforcer la transparence et l’efficacité des procédures arbitrales conduites sous son égide. En matière de transparence, pour toutes les affaires enregistrées depuis le 1er janvier 2016, la Cour va désormais publier sur son site Internet les noms des arbitres siégeant dans les affaires CCI, dès la constitution des tribunaux arbitraux. L’objectif de cette publication est d’inciter à davantage de diversité géographique et générationnelle dans la composition des tribunaux et d’assurer une plus grande parité homme/femme.
Par ailleurs et afin d’accroître l’efficacité des procédures arbitrales, la CCI a mis en place des sanctions financières à l’égard des arbitres qui ne respecteraient pas les délais qui leur sont impartis pour rendre des projets de sentences : dans les trois mois suivant la dernière audience ou les dernières écritures des parties si celles-ci sont postérieures (ce délai est réduit à deux mois pour les affaires soumises à un arbitre unique). En cas de retard injustifié, la Cour pourra désormais réduire les honoraires des arbitres de 5 à plus de 20 % en fonction du retard.

De quels moyens de sanction la Cour dispose-t-elle pour faire appliquer ces mesures ?
Il convient de préciser que les mesures mises en place par la CCI ne s’appliquent qu’aux arbitrages conduits sous son égide. Elles sont donc applicables aux arbitrages CCI qui impliquent une ou plusieurs entités libanaises, à ceux dont le siège est le Liban quelles que soient les parties impliquées et aux arbitrages CCI qui seront tranchés par un ou plusieurs arbitres libanais.
Le principal moyen de sanction de la Cour de la CCI, qui est chargée de fixer les honoraires des arbitres selon un barème qui tient notamment compte du montant en litige, est la réduction de ces honoraires. Elle a aussi le pouvoir, dans des cas extrêmes, de remplacer des arbitres qui s’avéreraient particulièrement peu diligents ou du moins de refuser de les nommer à l’avenir.