Le Mouvement des entreprises et représentations économiques françaises au Liban (Meref) et l’École supérieure des affaires (ESA) organisaient le 10 juin une table ronde sur les opportunités
du marché iranien à partir du Liban. Entretien avec l’un des intervenants, Élie Srouji, responsable d’Ibex Consultants, une plate-forme de conseil basée à Téhéran qui accompagne les investisseurs étrangers sur le marché iranien.

Où investir pour un Libanais en Iran ?
Les Libanais ont un coup à jouer dans les services de base où il y a un réel besoin. Je pense à l’hôtellerie, à la restauration ou à l’assurance, où nous sommes très forts. L’Iran est un pays de 80 millions d’habitants avec un marché de 60 millions de consommateurs structurellement très proches des consommateurs libanais. Les entreprises industrielles iraniennes se sont également développées ces trente dernières années dans un marché en quasi autarcie. Elles auraient besoin aujourd’hui de capitaux, de savoir-faire et d’expertises qui pourraient venir d’industriels ou d’un consortium de Libanais avec des étrangers. Enfin, le secteur bancaire est pratiquement effondré. Les Iraniens vont devoir le restructurer en faisant appel à l’étranger. Si les Européens vont certainement être sollicités, les Libanais peuvent avoir un rôle à jouer.

Quels conseils donneriez-vous à un entrepreneur libanais qui souhaiterait se lancer en Iran ?
Il faut venir dans une optique d’investissement réelle et durable et ne pas penser y faire un coup. Je leur conseille de creuser au-delà de la vision superficielle de l’Iran qui est très erronée. Il y a des lois et des règles très précises pour un investissement. On peut par exemple détenir à 100 % son entreprise et la créer en deux à trois semaines. Il n’y a aujourd’hui qu’une vingtaine d’hommes d’affaires libanais sur le marché iranien. Je dis donc aux autres : foncez !
Quelles peuvent être les barrières ?
La langue et la culture sont les principaux handicaps. Dans certains cas, il est préférable de trouver un partenaire local pour naviguer à travers les obstacles administratifs, car l’Iran est un pays assez bureaucratique. Les entreprises sont taxées à 25 %, mais du fait des accords entre Téhéran et Beyrouth, pour un Libanais qui sait jouer sur ces traités, il est possible de ne payer que 5 à 10 % de taxes.

Les sanctions internationales sont levées depuis le 16 janvier 2016 à la suite de l’accord sur le nucléaire iranien. Quel est le bilan après six mois ?
Beaucoup d’investisseurs n’ont pas anticipé la levée des sanctions et commencent seulement à venir explorer le marché. Par ailleurs, les transferts bancaires ne sont toujours pas libres. Cela n’empêche pas d’investir en cash ou de passer par des sociétés et des hommes d’affaires sur place. Mais cela peut être un problème entre l’Iran et le Liban car, du fait de la sensibilité des banques libanaises, il est quasi impossible de transférer de l’argent de Téhéran à Beyrouth. Avec les efforts politiques de l’Iran et des États-Unis, aidés par l’Europe, les sanctions bancaires devraient être levées très rapidement.

Le regain de tensions entre Téhéran et Riyad peut-il avoir des conséquences pour un investisseur libanais ?
Les relations se sont certes refroidies, mais des sociétés du Golfe sont encore en Iran. Le groupe saoudien de raffinement et de distribution d’huile végétale Savola détient 50 % du marché iranien. Il peut y avoir des nuages politiques comme cela a été le cas entre la France et l’Iran sans pour autant empêcher Danone, Bel ou Renault de continuer à opérer. Les Libanais qui vont en Iran auront-ils des problèmes dans les pays arabes ? Je ne sais pas. C’est possible, mais côté iranien il n’y a aucun problème avec le Liban. Bien au contraire, puisque en tant que libanais on peut aller et venir en Iran autant qu’on veut dans l’année.