En janvier de cette année, l’Institut français a organisé une conférence sur l’accord de coproduction franco-libanais, trop peu utilisé par les producteurs libanais.

Quelque onze films ont été produits dans le cadre de l’accord de coproduction franco-libanais depuis sa signature le 27 mars 2000. C’est peu au regard des objectifs que s’étaient fixé ses initiateurs. Julien Ezzano, conseiller auprès du Centre national français du cinéma et de l’image animée (communément baptisé CNC), était à Beyrouth fin janvier pour en faire un bilan. L’accord permet de mobiliser des subventions publiques françaises jusqu’à 80 % du budget du film, dès lors que certains critères sont réunis. « Il s’agit de la nationalité des acteurs, des auteurs, des chefs de production, des techniciens, le lieu de tournage, de la postproduction, etc. Ces critères ont pour objectif de garantir l’internationalisation d’un film, en évitant les écueils culturels qui entravent parfois sa distribution hors de son marché national », explique Julien Ezzano, rappelant que le seul marché français est composé de 30 à 40 millions de personnes qui vont régulièrement en salle, soit plus de 10 fois la taille du marché libanais. L’accord de coproduction suppose que les films concernés soient agréés par les deux États signataires. Mais aussi, et c’est là que le bât blesse, que des fonds publics soient mobilisés dans chacun des pays. Or, si Paris a depuis longtemps mis en place un système de subventions et d’aides visant à promouvoir son industrie cinématographique, Beyrouth a notoirement peu de moyens à accorder au cinéma. « La somme allouée au financement de la production locale est de 170 000 dollars », regrette le ministre de la Culture, Rony Araiji, qui s’apprêterait à demander une révision de l’accord de coproduction à son homologue française.

Une trentaine de films en 2015

Car l’effet de levier des fonds publics ne fonctionne pas auprès des investisseurs privés, alors que le cinéma libanais connaît un dynamisme croissant. Au total, 31 films ont été produits au Liban en 2015, pour un investissement cumulé de 32,4 millions de dollars, selon le dernier rapport d’Idal, l’Autorité de promotion des investissements libanais. Il s’agit d’une nette amélioration par rapport aux 12 films produits en 2012.
« Alors que les fonds publics ne sont pas remboursables, par nature, les recettes étant simplement destinées à abonder le fonds du CNC, les financements privés, eux, cherchent à être rentabilisés », explique-t-on côté français. Sur un budget d’un million de dollars par exemple, si 800 000 sont apportés par le CNC et 200 000 par des privés libanais, et que les recettes du film ne sont que de 200 000 dollars, elles sont affectées prioritairement au remboursement des investisseurs privés. « Face à un coproducteur qui veut avant tout récupérer sa mise, le producteur français n’a aucune chance, à moins d’un très grand succès commercial, de pouvoir affecter une partie des recettes au fonds du CNC qui alimente à son tour le fonds de soutien automatique dont il bénéficie auprès de cet organisme pour ses prochains films. » Les coproductions libano-françaises sont donc souvent limitées à des partenariats privés, en dehors du cadre de l’accord étatique franco-libanais.
Côté libanais, les investisseurs privés sont plus enclins à financer des projets commerciaux dont ils pensent connaître les codes que de s’aventurer dans des films d’auteur plus ambitieux malgré leur vocation internationale. D’autant qu’ils ont de plus en plus les moyens de s’appuyer sur d’autres types de soutien financier, en provenance du Golfe notamment. « S’il s’agit d’un film d’auteur, c’est très dur de garantir 200 000 dollars dans le privé au Liban. S’il s’agit d’un film commercial, on garantira le financement ici, mais ce sera dur de trouver le financement en France », explique Pierre Sarraf, fondateur de la société de production Né à Beyrouth.
Pour résoudre cette quadrature du cercle, une solution, estiment les professionnels du secteur : initier un mécanisme de financement public du cinéma libanais. « Taxer les billets de cinéma pour alimenter un fonds d’aide à la production serait un bon début », estime Pierre Sarraf, citant un projet porté par la Fondation Liban Cinéma.