Un décret adopté fin juin en Conseil des ministres permet de lever les ambiguïtés qui prévalaient jusque-là à propos de la notion fiscale de non-résidence. Le problème venait du fait que, jusque cette année, aucun texte ne définissait d’une manière claire et précise la notion de résidence fiscale au Liban ni, a fortiori, celle de non-résidence.
Publié le 30 juin 2016 au Journal officiel, ce décret complète un effort de clarification entamé dans le cadre de la mise en conformité de la législation libanaise avec les normes fiscales internationales : en janvier 2016, la commission de l’Administration et de la Justice du Parlement a adopté un amendement de certains articles du code des procédures fiscales destiné à intégrer, pour la première fois dans la loi libanaise, une définition de la résidence du point de vue fiscal (voir la Revue fiscale libanaise, premier semestre 2016).
Cette notion de résidence est essentielle puisqu’elle est à la base de tous les systèmes fiscaux du monde qui privilégient les principes de territorialité et de résidence en matière d’imposition, à l’exception toutefois des États-Unis et de l’Érythrée où c’est la nationalité et subsidiairement la résidence qui déterminent pour les personnes physiques la qualité de contribuables. La définition de la notion de résidence est une condition sine qua non pour l’entrée en vigueur de la nouvelle norme internationale d’échange automatique et réciproque d’informations (AEOI), appelée CRS, adoptée en 2014, que le Liban s’est engagé à appliquer en septembre 2018.
Le nouveau décret n° 3692 précise donc les modalités d’application de l’imposition sur le revenu des non-résidents (articles 41 à 43 de la loi 144 du 12 juin 1959) jusque-là régies par une ancienne directive de 1965 assez floue. Le régime dérogatoire pour les “non-résidents” prévoit de les soumettre à un impôt forfaitaire de 7,5 % sur la plupart de leurs revenus pour les activités qui sont qualifiées de services rendus (prestations de service) et de 2,25 % sur le montant brut des recettes ou factures et pour les autres activités ; alors que les résidents personnes physiques sont soumis à un taux d’imposition progressif par tranches sur les revenus annuels nets oscillant entre 4 % et 21 % (après déductions et abattements).
Le texte du décret définit pour la première fois les critères dont dépend l’applicabilité du régime dérogatoire et devrait avoir pour effet de réduire le nombre de contribuables pouvant y prétendre, avec un impact positif pour le Trésor dont le ministère des Finances n’a toutefois pas fourni d’estimation.
L’ambiguïté prévalant jusque-là reposait principalement sur l’amalgame qui était fait entre, d’une part, un non-résident vivant à l’étranger qui entreprend de manière tout à fait occasionnelle une activité de livraison de biens ou de prestation de services sur le territoire libanais ou au profit d’un résident contribuable ; et, d’autre part, une personne séjournant de manière habituelle au Liban, mais n’ayant pas une activité stable ou un lieu spécifique fixe pour l’exercice de son activité.
Désormais, le nouveau décret précise clairement ce qu’il faut entendre par “lieu fixe d’activité” : plus de six mois pour les travaux publics et privés et plus de trois mois pour toutes les autres activités ; et par “activité occasionnelle” : toute opération qui ne se répète pas plus d’une fois pendant 12 mois.
L’objectif est double, explique l’avocat Karim Daher. « Premièrement : obliger ceux qui exercent une activité répétitive à s’enregistrer auprès du fisc libanais, ce qui a pour conséquence d’élargir l’assiette des contribuables et de lutter contre l’économie souterraine. Sachant qu’au cas où ils ne communiquent par leur numéro d’identification fiscale, leur cocontractant a l’obligation de signaler leur nom et leur adresse au fisc. Deuxièmement : au cas où ils peuvent effectivement prétendre au régime des non-résidents, rien n’empêchera le fisc libanais de demander aux banques et aux institutions financières libanaises de lui communiquer le détail de leurs comptes et de leurs opérations sur la base des nouvelles normes d’échange automatique d’informations que le Liban s’est engagé à appliquer à partir de septembre 2018… ce qui fera tomber le secret bancaire pour ces non-résidents, alors que les résidents continueront de s’en prévaloir.

Une nouvelle définition de la résidence fiscale
Le 18 janvier 2016, la commission de l’Administration et de la Justice a adopté un projet de loi qui amende l’article 1 (préambule) du code des procédures fiscales de 2008 pour l’enrichir d’une définition de la résidence fiscale. Sera désormais considérée comme résidente, à dater de la promulgation du projet de loi par l’Assemblée :
1) Toute personne morale créée ou enregistrée selon les lois libanaises ; ou qui dispose au Liban d’un siège pour l’exercice de son activité.
2) Toute personne physique : qui dispose au Liban d’un siège pour l’exercice de son activité professionnelle ; ou qui a une habitation permanente au Liban constituant un lieu de séjour habituel pour elle ou sa famille ; ou qui passe au Liban plus de 183 jours (six mois) au total sur une période de 12 mois successifs. Est exclu de ce décompte le passage au Liban en transit, ainsi que le séjour pour des raisons de traitement médical.

Les opérations imposables
Le nouveau décret d’application du régime dérogatoire de l’imposition des revenus des non-résidents énumère les opérations concernées :
- services de conseil de toute
nature ;
- opérations d’intermédiation à l’achat ou à la vente ;
- activités de montage de matériel et d’équipement et d’initiation et de formation à leur utilisation ;
- opérations de transfert ou d’adhésion aux opérations de transfert de fonds ; émissions de titres et d’actions ; opérations fiduciaires ou de prospection de clientèle ;
- activités de publicité et de promotion de produits ou de services ;
- redevances (royalties) payées en contrepartie de l’utilisation d’un brevet d’invention, ou d’un droit de propriété industrielle ou intellectuelle et tout autre droit apparenté ou similaire ;
- activités professionnelles, culturelles, intellectuelles, sportives et assimilées ;
- intérêts de toute nature garantis ou non ;
- prestations de services et de vente de programmes informatiques ;
- importations occasionnelles de marchandises et leur vente en consignation par le biais d’un contribuable résident ;
- opérations de vente de marchandises, machines et produits importés quand leur vente s’accompagne de services de livraison, de montage et de contrôle au Liban par le vendeur lui-même ou par la personne qui le représente ;
- opérations d’assurance et de réassurance couvrant des actifs immobilisés ou circulants situés au Liban ;
- montants perçus au titre de travaux publics et privés par une entreprise non-résidente n’ayant pas établi au Liban un lieu fixe (bureau ou un local) pour l’exercice de son activité.