L’attentat qui a soufflé la façade de la Blom Bank le 12 juin a fortement secoué le pays. Dès les premières heures qui ont suivi, le ministre de l’Intérieur a confirmé que c’est la banque qui était visée en tant que tel. La charge a été placée de telle manière à ce qu’elle fasse le moins de victimes possible, mais que les dégâts matériels servent de “message”. Un message largement interprété comme étant lié à la problématique de l’application par les banques libanaises des circulaires destinées à transcrire dans les effets du “Hezbollah International Financing Prevention Act of 2015”, une loi votée fin décembre par le Congrès américain destinée à assécher les sources de financement du parti libanais, considéré comme terroriste par Washington.
À défaut de preuves policières ou judiciaires, les interprétations se sont divisées en deux camps, selon les lignes de clivage habituelles au Liban : les uns ont accusé le Hezbollah d’avoir voulu lancer un avertissement aux banques – la Blom Bank ayant été accusée à tort ou à raison d’avoir été plus royaliste que le roi dans la mise en œuvre des nouvelles règles et les autres estiment que les adversaires du parti ont trouvé un bon moyen de le mettre en difficulté. Les représentants du Hezbollah et plusieurs médias proches de lui ont en effet relayé un mécontentement croissant, voire de la colère, liée à la mise en œuvre de la fermeture des comptes.
Les principaux intéressés, à savoir la direction de la banque et les représentants du secteur bancaire en général, se gardent en tout cas de toute accusation publique. Officiellement, le climat est à l’apaisement et à la poursuite de l’application de la loi américaine, le Liban n’ayant d’autre choix que d’obtempérer, étant donné la structure du système financier international auquel il est lié : les institutions financières de l’Oncle Sam étant en pratique les correspondantes de toute banque voulant exister sur la scène internationale, il leur suffit d’exiger d’elles le respect de la législation américaine – fermer les comptes du Hezbollah –, sous peine de ne plus pouvoir effectuer de transactions en dollars.
Le problème pour les banques libanaises tient à l’étendue du Hezbollah et des institutions qui relèvent de lui, ce qui suppose une certaine marge d’appréciation de ce qui relève de l’obligation de fermer un compte ou pas, pour éviter à la banque concernée d’être elle-même pénalisée. Il semble que certaines banques aient été assez loin dans leur marge d’appréciation – en défaveur du Hezbollah –, ce qui peut s’expliquer par la très faible propension au risque de ces établissements ou par des considérations politiques. Étant donné le secret bancaire et la très grande prudence de toutes les parties concernées dès lors qu’il s’agit de s’exprimer officiellement sur ce sujet, il est très difficile à ce stade de savoir si les abus ont été nombreux.
Mais, de toute évidence, la Banque centrale en a constaté, puisqu’elle a dû s’y prendre à plusieurs reprises pour rappeler aux banques la procédure à suivre et insister pour avoir le dernier mot en matière de clôture des comptes : chaque dossier doit être soumis à l’appréciation de la Commission spéciale d’investigation (CSI), la seule autorité habilitée à accéder aux comptes créditeurs et débiteurs dans le cadre du secret bancaire. Dans une décision publiée le 26 mai, pour “clarifier” les règles déjà énoncées par la Banque du Liban et éviter « toute procédure ou mesure arbitraire » contre les clients, la CSI impose une demande d’autorisation assortie de motivations et se donne un délai de 30 jours pour y répondre.
Selon le Daily Star, les comptes bancaires des institutions liées à l’association Mabarat, dont celui de l’hôpital Bahman, ont ainsi été rouverts à la suite d’une intervention de la Banque centrale. L’hôpital Bahman, construit avec l’aide du gouvernement iranien, appartient à l’association Mabarat fondée par sayyed Mohammad Hussein Fadlallah.
Officiellement toutefois, aucune information ne filtre en ce qui concerne le nombre exact de comptes qui ont été clôturés. La dernière déclaration du gouverneur de la Banque centrale Riad Salamé à la chaîne CNBC évoquait une centaine de comptes liés aux noms figurant sur la liste du Trésor américain.