Samir Harfouche vient de créer la marque Pometto, qui fabrique des chips à partir de pommes disgracieuses, que les producteurs locaux ne parviennent pas à vendre aux supermarchés.

Réduire ses déchets, c’est bien ; recycler, c’est mieux. C’est en tous les cas le credo de Pometto, une jeune marque, lancée il y a moins d’un an, qui fabrique des chips à partir de pommes (le fruit). Attention, pas n’importe quelle pomme : des galas et des pommes rouges “Made in Lebanon”, que les producteurs locaux ne parviennent pas à vendre aux supermarchés ou aux halles professionnelles, faute de répondre aux critères d’apparence (ou de calibrage) que ces réseaux exigent. Le fondateur de Pometto, Samir Harfourche, récupère ainsi les “gueules cassées” et autres “fruits moches” dédaignés des circuits traditionnels pour en faire sa matière première. « Je me moque de l’aspect du fruit, puisque je le transforme », assure-t-il. En un an, le jeune homme a sauvé de la poubelle près de 24 tonnes de fruits. Avec un net avantage pour sa start-up : le prix des “fruits moches” est inférieur de 30 à 50 % à sa valeur “normale” (autour de 700 livres libanaises le kilo).
L’histoire de Pometto démarre au moment de la crise de la filière de production de pommes, l’an passé. « Je regardais des reportages à la télé montrant des tombereaux de fruits pourrissant au pied des arbres. Je me suis demandé : “Que puis-je faire ?”. »
Sa réponse ? Trouver une niche peu ou pas développée. Ce sera la chips de pommes et le marché du healthy snack. Avec 70 millions de dollars de chiffre d’affaires et une consommation de 2 kilos par an par personne si on en croit une étude de 2008, le marché des chips se porte plutôt bien au Liban. Ses principaux acteurs – locaux ou étrangers – ont d’ailleurs diversifié leur gamme en multipliant les saveurs : vinaigre, truffe, épices… Mais personne n’a encore songé à remplacer la sacro-sainte pomme de terre par une pomme bien juteuse. « Mes seuls concurrents sont de petites entreprises, voire des coopératives, qui préparent des mounés de pommes déshydratées. On les trouve sur les marchés, parfois dans les boutiques bio… »
Pour industrialiser son concept, Samir Harfouche a investi 30 000 dollars en fonds propres. Il a bénéficié d’un don de 11 000 dollars de l’ONG Oxfam Italie, dans le cadre d’une opération de développement des régions libanaises. Avec ce premier financement, le jeune homme a installé son unité de production à Wadi Jezzine dans un atelier de 100 m2. « Cela me paraissait logique de revenir vers ma région natale. » Aujourd’hui, il emploie quatre salariés permanents.
Outre la location de l’espace, ces premiers fonds lui ont permis d’acquérir un système professionnel de déshydratation, importé des États-Unis. « Pometto est un produit sain : un sachet de 50 grammes équivaut à deux pommes déshydratées. Ni sucre, ni huile, ni conservateur n’y sont ajoutés. Et mes chips conservent un côté croustillant délicieux. »
Distribués pour l’heure dans 25 points de vente, ses sachets sont vendus 2 500 livres libanaises (1,66 dollars) chacun. On les trouve en particulier sur les rayons de supermarchés type Fahed, O&C ou dans des centres de fitness. « Pour pénétrer des réseaux plus importants, il faut avoir fait ses preuves et que la clientèle réclame notre référencement. » Pour mieux se faire connaître, Samir Harfouche planche sur la fabrication de saveurs nouvelles, chips de pomme et cannelle, voire pomme et chocolat. « J’ai besoin de m’étendre pour percer. La croissance est aussi possible grâce à l’exportation : dans les pays du Golfe, les supermarchés importent des produits de ce type en provenance des États-Unis ou d’Europe, qui sont trois fois plus chers que Pometto. » Visiblement, Samir Harfouche croit à un avenir radieux pour la pomme libanaise.