À l’autre bout de son spectre habituel de clientèle, le groupe Saradar a décidé de cibler la banque de masse. « J’ai depuis longtemps l’objectif de développer des services financiers à travers un réseau postal. Car le plus lourd pour une banque est d’investir dans un réseau d’agences », explique le président du groupe, Mario Saradar. L’idée est de commercialiser auprès d’un public peu bancarisé des services comme les cartes de crédit prépayées ou les virements d’argent.
Un projet mis en œuvre à travers trois piliers. D’abord l’entrée du groupe Saradar en 2011 au capital de LibanPost à hauteur de 50 %. Une part supplémentaire de 16 % devrait aussi être rachetée au groupe Mikati qui détient les parts restantes, sous réserve d’approbation de la transaction par le Conseil des ministres.
Le deuxième pilier est le rachat en juillet 2013 pour 800 000 dollars de 70 % de la société Cash United, affiliée à Moneygram. Créée par Philippe Dagher et Antoni Lorfing en 2001 qui conservent une part de 20 % et continuent de gérer la société.
Quant au troisième pilier, il s’agit du rachat en juin 2013 de la NECB pour 25 millions de dollars. La banque sera le laboratoire de production des services financiers commercialisés sous une marque propre encore en cours de définition à travers le réseau de LibanPost et de Cash United.
« Quelque 70 % de nos revenus proviennent des services non postaux », explique Khalil Daoud qui, depuis sa prise de fonctions en tant que PDG en 2002, a transformé LibanPost en société multiservices plutôt qu’une société postale. Avec une idée phare : pallier les lacunes de l’État pour faciliter les formalités administratives, comme le renouvellement d’un passeport, ou tout récemment l’obtention du permis de conduire. « Je démarche régulièrement la Caisse nationale de Sécurité sociale mais en vain jusqu’à présent. » Ces services administratifs représentant 30 à 40 % du chiffre d’affaires. Le reste des services non postaux vont de la vente de timbre à celle de livres ou d’articles divers en passant par toute une panoplie de services aux entreprises. « La décision de rendre obligatoires les déclarations fiscales en ligne nous enlève un volume de 300 à 400 000 formalités par an. »
« Avec les services financiers, on revient vers une activité essentielle de la poste. Depuis 1959, la loi prévoit qu’elle soit au cœur de son activité, ce qui n’a encore jamais été fait », se réjouit Khalil Daoud, également PDG de Cash United. Il espère renforcer ainsi la croissance de la société qui tourne déjà à 13-14 % en moyenne par an depuis 12 ans. LibanPost étant une société privée sous contrat jusqu’en 2020 avec l’État libanais, à qui elle reverse une redevance (une part non communiquée de son chiffre d’affaires), elle ne pouvait pas elle-même investir dans une licence de société financière : d’où l’intérêt de servir d’intermédiaire. « La majorité de nos clients appartiennent à la catégorie des bas et moyens revenus, une cible qui est encore peu bancarisée », poursuit Khalil Daoud.
Un réseau en pleine expansion : à la centaine d’agences de LibanPost qui a étendu son réseau de bureaux postes traditionnels à des kiosques dans les supermarchés et les centres commerciaux pour se rapprocher de la clientèle, s’ajoutent désormais les 400 revendeurs de Cash United.
« Il faut comparer cette plate-forme de distribution à un avion : le coût de chaque passager supplémentaire embarqué est minime, ce qui induit un bénéfice maximal », explique Pierre Gaspard, membre du comité de conseil du groupe Saradar.