La start-up LifeLab, spécialisée dans l’hydroponie, se fixe comme objectif ultime de réduire la dépendance du Liban aux importations alimentaires. Pour cela, elle propose une solution hautement technologique, au coût toutefois élevé.

Ancien publicitaire, Ali Makhzoum a monté son premier potager hors sol dans son appartement à Bahreïn. De retour au Liban en 2011, ce passionné de cuisine, de bricolage et de mécanique a l'idée de lancer sa propre start-up, LifeLab, avec comme ultime objectif de mettre les dernières inventions technologiques au profit du secteur agricole et de la souveraineté alimentaire, aussi bien au Liban qu’à travers le monde arabe.
Des dons de 65 000 dollars – octroyés par le centre euro-libanais pour la modernisation industrielle (Elcim), Kafalat et le directeur de Middle East Venture Partners (MEVP), Walid Hanna – financent son premier prototype, dans un appartement de la banlieue sud de Beyrouth.
Puis il récolte 1,6 million de dollars pour construire une ferme à Beit Yehoun (dans le sud du Liban), sur un terrain de 3 000 m2 et créer Biodesign qui servira de laboratoire de conception de fermes hydroponiques sur mesure. « Nous sommes en négociation avec Kafalat pour le financement de la première phase de 600 000 dollars. »

95 % d’eau en moins

Ali Makhzoum a de solides arguments pour promouvoir son concept. Ses fermes permettent d'économiser 95 % d’eau – grâce à un système de recyclage intégré : « Elles n’ont besoin ni de terre ni de pesticides et empêchent toute contamination ou perte partielle ou totale de la récolte, dues à des bactéries ou à des perturbations climatiques », explique-t-il. Autre avantage : le taux de rendement, « dix à quinze fois » supérieur à celui des fermes classiques. De quoi séduire, selon lui, les petits agriculteurs. « Ces fermes peuvent être installées dans des garages, des hangars ou une simple cuisine, ce qui pourrait attirer également de simples clients visant l’autonomie alimentaire à l’échelle familiale. »

Un coût de 50 000 à 120 000 dollars

Mais ces structures n’ont pas que des avantages. Outre les réserves de certains liées à la dimension “artificielle” et “industrielle” de la production, elles consomment beaucoup d’énergie pour la photosynthèse. Et l'investissement initial est élevé. « L’installation de serres et d’un système d’irrigation basiques sur un terrain de 250 m2 coûte entre 3 000 et 5 000 dollars, contre 50 000 dollars pour une structure hydroponique. » Le coût peut même culminer à 120 000 dollars pour les plus grandes surfaces. Mais le rendement est plus important : « Un même terrain planté de laitues rapporterait 1 000 dollars chaque 40 jours, contre 8 000 dollars chaque 25 jours dans une ferme hydroponique », dont le cycle de production est plus court. « Nous avons négocié avec Kafalat la possibilité d’accorder des prêts aux petits agriculteurs pour qu’ils puissent financer un tel investissement. »
LifeLab, qui a raflé un prix dans le cadre d’une compétition organisée par la Banque mondiale et l’association Bader, prévoit un chiffre d’affaires de 600 000 dollars la première année, cinq millions la troisième année et plus de huit millions au bout de la cinquième. Outre l’installation des fermes, la société se rémunère sur leur gestion, le suivi quotidien des cultures à travers un centre de collecte et d’analyse de données reliant tout le réseau de structures. Elle compte aussi sur la vente des graines, de pièces de rechange et des nouvelles inventions mécaniques et informatiques, ainsi que les commissions perçues sur la vente de la production totale aux grands distributeurs sur le marché. Car, à la différence d’autres acteurs libanais de l’hydroponie (voir Le Commerce du Levant de juin 2015), Lifelab estime que seule une telle structure de commercialisation centralisée permettra d’écouler de la production hydroponique à grande échelle en mesure de remplacer in fine les 300 millions de dollars de fruits et légumes frais importés. Aucun contrat de distribution n’a toutefois été conclu à ce stade. « Nos projections tiennent compte de l’expansion régionale, prévue à partir de la troisième année, notamment au Qatar, à Bahreïn et aux Émirats arabes unis, où ce type de technologie fait particulièrement sens. » Des sociétés turques et japonaises y sont d’ailleurs déjà présentes.