Avec 7,5 millions de tiges produites annuellement, Rania Grondier figure parmi les grands acteurs de la floriculture libanaise. Une filière de luxe, qui subit la crise économique ces deux dernières années.

« La crise. » Pour Rania Younès Grondier, la filière de la floriculture, dont elle est l’une des grandes figures avec sa marque Fleurs du Liban, subit de plein fouet le ralentissement économique.
« L’industrie de la fleur coupée est un produit de luxe : les fleurs sont par essence éphémères et un produit superflu. Les familles réduisent leurs dépenses “florales” dès lors que leur pouvoir d’achat s’amoindrit. Plusieurs exploitations ont d’ores et déjà mis la clef sous la porte. » Depuis 2012, l’activité du secteur chute de 10 % chaque année, selon ses estimations. Sans solution de repli. Impossible ou presque de se tourner vers l’export pour contrebalancer l’atonie du marché domestique : la fleur coupée est le produit le plus mondialisé de l'agriculture et la concurrence avec les pays comme l’Éthiopie, le Kenya ou même Israël, parmi les principaux exportateurs, se fait au détriment du Liban.
« J’exporte 7 % de mon chiffre d’affaires, grâce à des contacts personnels avec des grossistes du Golfe. Mais la production libanaise reste trop onéreuse pour s’intégrer sur le marché mondial. Seules des niches qualitatives peuvent la distinguer », explique la jeune femme. Car la récession actuelle n’est pas la seule cause d’inquiétude pour l’avenir de la floriculture libanaise. Pour Rania Younès Grondier, il existe des raisons plus profondes de s'alarmer. « Le secteur est victime de l'explosion des prix des terrains, associée aux coûts croissants de l’énergie et des produits phytosanitaires, constate-t-elle. L’horticulture est littéralement fauchée par la pression foncière : tant que l’État n’imposera pas le distinguo entre terres agricoles et terrains à bâtir, l’agriculture, d’une manière générale, n’aura aucun avenir dans ce pays. »
Pourtant, Rania Younès Grondier résiste. Lancée en 1992, la production de Fleurs du Liban s’organise aujourd’hui autour de trois sites, à Tannourine, Amioun et Koura. En tout, elle cultive 15 hectares de fleurs sous serre, soit environ 7,5 millions de tiges annuelles. Principalement, des roses, qui représentent 40 % de sa production. « Je fais une production diversifiée tout au long de l’année. Mais la rose représente le produit-phare du marché. » En plus, elle cultive lys, renoncules, anémones, freesias, narcisses, œillets, delphiniums, giroflées… et des tulipes.
Pour se démarquer, Rania Younès Grondier a opté pour le créneau qualitatif. « Cela a un coût : 50 dollars du mètre carré pour les roses. Quand certains produisent pour trois fois moins. » Pour assurer cette qualité, Rania Younès Grondier parie sur le “naturel” : « Je m’appuie sur des intrants bio : moins tu traites, plus les prédateurs naturels s’implantent et agissent. Le problème, c’est que l’importation de ces intrants reste le monopole des groupes de distribution d’engrais, qui n’ont de fait aucun intérêt à les favoriser. Le ministère de l’Agriculture n’a pas non plus autorisé leur entrée sur le sol libanais, à défaut de pouvoir effectuer des tests ad hoc. Or, les importateurs se refusent à payer pour des essais onéreux alors que les quantités qu’ils vendraient ne sont pas suffisantes pour les dédommager. C’est un cercle vicieux : ces produits sont pourtant autorisés en Europe. »
Pour vendre sa production, Rania Younès Grondier s’est associée à un grossiste pour ouvrir son propre Souks des fleurs à Mkallès. De plus petits producteurs se sont regroupés autour de sa marque. « En tout, sur Beyrouth, il existe peut-être quatre à cinq structures semblables. Il y a eu des tentatives pour fonder un marché de gros pour tous… Mais cela n’a pas duré. Les producteurs ne sont pas parvenus à s’entendre. » Un autre défaut du marché libanais.

La filière selon le Creal
Touchée par la crise


On trouve deux types de cultures de fleurs au Liban : d’abord, la culture sous serre, qui concerne la production de roses, de gerbera, de chrysanthèmes, de hystoma, ainsi que celle des fleurs à bulbe (type tulipe). Environ 55 hectares lui sont dédiés entre la Békaa (25 ha), le Mont-Liban (20 ha) et le Sud (10 ha). Autres types de floriculture : la culture de plein champ qui concerne une grande variété de fleurs, mais se trouve quasi exclusivement localisée dans la Békaa sur moins de 2 ha. La floriculture libanaise souffre d’un coût de production élevé. Elle subit par ailleurs la concurrence de cultures d’importations, qui réduisent les marges des producteurs : cela a ainsi été le cas lors du Noël 2013 ou de la Saint-Valentin 2014, deux occasions majeures pour l’écoulement des fleurs. Par ailleurs, la crise économique dont souffre le pays a réduit la demande dès la fin de 2012. Les superficies s’en ressentent : les cultures sous serre se maintiennent, mais le plein champ régresse (moins 15 ha entre 2005 et 2012).