Un article du Dossier

La floriculture en difficulté

Longtemps, son père a tenté de la dissuader. Devenir fleuriste ? Trop éprouvant, trop d’imprévus lui soufflait-il du haut de ses soixante années d’expérience dans le métier. Et ce d’autant plus dans un contexte économique instable où les consommateurs coupent en premier dans leurs dépenses superflues. Mais qu’importe. Nathalie Nahas a fait le choix du cœur. Après une décennie au service de la Bank Audi, elle s’est installée l’année dernière dans la boutique familiale Acacia sur l’avenue Charles Malek, à Achrafié. L’œuvre de son père, un Gréco-Libanais formé à l’art floral, venu importer son savoir-faire au Liban à partir des années 1960. « Je baigne dans les fleurs depuis toute petite, témoigne Nathalie Nahas comme pour justifier sa reconversion. À l’âge de six ans, mon père me donnait les invendus du magasin et m’apprenait à composer des ikébanas (arrangement floral japonais). » Le géniteur, 90 ans, a confié à sa fille la gestion de la boutique. Nathalie Nahas s’est vite adaptée à son nouveau rythme de vie. Chaque matin, elle entreprend sa tournée chez ses cinq à six grossistes pour sélectionner les fleurs qui viendront garnir son étal. « Je privilégie toujours la production locale, car la durée de vie et la qualité sont généralement meilleures, explique-t-elle. Quand une fleur arrive des Pays-Bas, elle a déjà voyagé, or une fleur libanaise a été coupée la veille, elle sera plus fraîche et durera plus longtemps chez le client. » Un credo plus difficile à appliquer en hiver, où la chute des températures affecte le rendement des productions libanaises. En cette matinée de décembre, la fleuriste a tout de même réussi à se procurer quelques roses blanches locales. La majorité finira dans une composition mêlant fleurs libanaises et importées. « Hors des périodes de fêtes, le bouquet se vend entre 30 000 et 50 000 livres libanaises, expose Nathalie Nahas, mais lors de la fête des Mères, ou de la Saint-Valentin, il y a davantage de demandes, donc les prix fixés en amont par les producteurs et les grossistes sont plus élevés et les arrangements varient entre 100 000 et 150 000 livres libanaises. » Comme pour chaque acteur du secteur, ce sont ces périodes qui façonnent le chiffre d’affaires annuel. « Nous pouvons réaliser l’équivalent d’un à deux mois de recettes pour la seule journée de la fête des Mères », avance-t-elle en guise d’exemple. Autre moment-clé de l’année : l’été et les mariages. « Entre l’hôtel, la décoration de l’église, le restaurant, les corbeilles des mariés, le budget dédié aux fleurs oscille entre 1 000 dollars et parfois plusieurs dizaines de milliers de dollars. » Cependant, la fleuriste note depuis quelques mois une tendance des Libanais à privilégier les unions à l’étranger. Si cela impacte ses résultats, Nathalie Nahas a l’avantage de pouvoir se replier sur une clientèle choyée des décennies par son père. Acacia bénéficie d’un panel d’habitués fait d’ambassadeurs, de consuls ou de la bourgeoisie d’Achrafié. À eux tous, ils assurent le quart du chiffre d’affaires de la boutique. Le reste est complété par les clients de passage (un quart) et les abonnés (un quart) principalement des réseaux d’entreprises des environs. « Une bonne partie de ma clientèle est étrangère, relève Nathalie Nahas. Je sens que leur façon de percevoir les fleurs, de les offrir est différente. Il y a une culture à développer au Liban. De plus en plus de gens qui ont vécu à l’extérieur reviennent et instaurent cette pratique. Même si ces dernières années ont été difficiles pour le secteur, cela me pousse à être optimiste pour l’avenir. »
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