Un article du Dossier

La création libanaise accède au podium mondial

Il est l’un des ambassadeurs de la couture libanaise. Un nom consolidé par trente ans de savoir-faire, une marque portée sur le devant de la scène par autant de reines du glamour, de Beyoncé à Rihanna, en passant par Tyra Banks et Jenifer Lopez. Georges Chakra s’est construit au Liban. Plus précisément à Jal el-Dib, où se concentre l’intégralité de la production de la société. « Peu de créateurs peuvent se targuer de faire à la fois leur couture et leur prêt-à-porter au Liban », relève Jocelyne Abdel Malek, amie du créateur et présidente du groupe Ona (“la dame” en japonais), maison mère de la société Georges Chakra. Sur les quelque cinq cents modèles produits par la maison en 2016 (70 % de l’activité se concentre sur la couture, 30 % sur le prêt-à-porter), seuls les tissus, négociés avec une quinzaine de fournisseurs étrangers, sont importés. Pour le reste, du dessin à la confection, tout est réalisé entre les quatre murs du bâtiment frappé des lettres du couturier. « C’est un modèle qui reste viable, car nous ne produisons pas de prêt-à-porter en masse, concède Jocelyne Abdel Malek. Cette activité se destine à de petits points de vente en nombre limité. » Ce choix du Liban, Georges Chakra l’a fait très tôt. En 1983, l’envie de retour est trop forte. Il lui faut quitter le Canada, braver les réticences de ses proches et envisager les débuts d’une carrière sur fond de bombes et de routes coupées. « J’étais jeune, je voyais les belles femmes qui s’habillaient, j’avais une obsession pour les Libanaises », dit-il. Avec sous le bras son diplôme de l’Académie des couturiers canadiens d’Ottawa et pour seule carte de visite ses croquis de fin d’étude, le jeune Chakra rentre au pays un brin innocent, mais déterminé. À la présentation de ses premiers croquis, le Libanais le sait, le sent : son coup de crayon a quelque chose de spécial. « À cette époque, il y avait peut-être quelques couturiers qui créaient, mais peu proposaient de choses nouvelles, le style était peut-être un peu trop conventionnel, trop oriental », se souvient-il. Georges Chakra écoule ses premiers dessins contre quelques milliers de dollars, puis décroche un job dans une maison de prêt-à-porter haut de gamme. Avec 1987, vient l’année de l’indépendance. Le montant mis sur la table paraît aujourd’hui dérisoire (un investissement de 50 000 livres libanaises, un loyer annuel de 12 000 livres), « mais cela représentait une somme, peut-être aujourd’hui l’équivalent de 50 000 dollars », avance-t-il. L’investissement pose les fondations du groupe qui dès lors ne cessera de grandir. D’abord dans les milieux mondains beyrouthins, puis en l’espace de quelques années dans les pays du Golfe. Aujourd’hui encore, la péninsule constitue l’essentiel de la clientèle de la partie couture de la maison. Avec son premier défilé à Beyrouth en 1993, Georges Chakra s’installe dans le cercle des couturiers libanais confirmés. Mais le créateur vise plus haut. Et veut réaliser son rêve d’enfant : défiler à Paris. « Il fallait se préparer, ce n’est pas quelque chose que l’on peut improviser », note Jocelyne Abdel Malek. D’autant qu’un tel projet, entre la logistique et la production, est chiffré par la présidente du groupe à quelque 500 000 dollars. L’essai est transformé en 2002 quand la Maison Georges Chakra s’élance sur les podiums de la Fashion Week parisienne, le premier défilé du genre qui amènera le groupe à présenter cet été sa trentième collection. Dans le même temps, la maison se lance sur le prêt-à-porter. Georges Chakra débarque à New York en 2009 avec dans ses bagages sa première collection. « Cela répondait à une logique d’expansion, précise Jocelyne Abdel Malek dont le groupe commercialise aujourd’hui ses modèles dans quatorze points de vente répartis dans sept pays. Car ce qui assure la rentabilité, ce sont les accessoires. » Cette dernière activité devrait être lancée prochainement. Autre projet en gestation, l’ouverture du capital à des investisseurs privés. Une étape qualifiée par la présidente du groupe Ona d’« indispensable pour toute société qui veut continuer de grandir ».
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