Un article du Dossier

La difficile survie des hôtels libanais

L’activité hôtelière au Liban traverse des années noires. Depuis 2011, l’aggravation des tensions sécuritaires et politiques a entraîné une chute continue du nombre de touristes et une crise sans précédent du secteur hôtelier depuis la fin de la guerre civile en 1990. Cette année, alors que quelques indicateurs semblaient présager d’une reprise, l’intensification des tensions avec les pays du Golfe annonce de nouveaux périls pour les hôteliers.

On ne compte plus les motifs de désaffection des touristes : paralysie des institutions, incidents sécuritaires, crise des déchets, etc., il y a de quoi susciter de la méfiance. Sans compter le contexte régional. La guerre qui fait rage en Syrie depuis 2011 continue de déteindre sur le Liban où les réfugiés ont afflué en nombre. Autre conséquence directe de cette guerre, la coupure des voies routières qui relient Beyrouth à la sous-région. Aujourd’hui, le pays n’est guère plus accessible que par avion et les compagnies sont obligées d’allonger leurs trajets pour éviter de survoler la Syrie. Enfin, la dégradation des relations diplomatiques entre le Liban et les États du Golfe a fini par donner le coup de grâce au secteur du tourisme libanais. Les ressortissants de ces pays sont priés de ne plus se rendre au Liban. Résultat, les hôtels à moitié vides sont obligés de casser leurs prix pour survivre.

Des hôtels à moitié vides, des prix cassés

Selon le cabinet de conseil Ernst and Young, le taux d’occupation des hôtels à Beyrouth était de 56 % en 2015, soit l’un des plus bas de la région. Dubaï, à titre de comparaison, enregistre un taux d’occupation de 80 %. Toutefois, ce taux de 56 % est en légère augmentation par rapport aux années précédentes. En fait on est revenu au taux d’occupation de 2011 (57 %) sauf que l’évolution de la clientèle a fait baisser les prix.
Sur la période 2011-2015, le revenu moyen par chambre s’est effondré de 20 %, passant de 220 dollars à 175, selon Ernst and Young. Cela s’explique par la guerre des prix sans merci que se sont livrés les hôtels pour attirer les touristes restants et par l’évolution du type de clientèle. Il est important de noter ici que les établissements d’appartements meublés tirent leur épingle du jeu en proposant aux voyageurs des formules à long terme à des prix compétitifs. Leur clientèle est principalement composée de familles syriennes ou libanaises expatriées ainsi que d’étudiants. Ces établissements affichent des taux d’occupation plus élevés que les hôtels.

Baisse du pouvoir d’achat

Selon les chiffres du ministère du Tourisme, le Liban a accueilli 1,52 million de visiteurs en 2015. C’est un peu moins qu’en 2011 (1,65 million), mais la vraie différence tient dans la répartition de la nationalité des touristes et dans leur pouvoir d’achat. Pour la première fois, le nombre de touristes européens dépasse légèrement celui des Arabes. En 2015, ils représentent ainsi un voyageur sur trois. Parmi les Arabes, les Irakiens représentent aujourd’hui 40 % des arrivées, suivis par les Jordaniens et les Égyptiens. Cela veut dire que l’absence des touristes du Golfe a été en partie compensée par l’augmentation du nombre des visiteurs d’Irak, de Jordanie et d’Égypte, mais ces clients ont un pouvoir d’achat beaucoup plus limité.

Un retard à rattraper

La baisse des revenus du secteur hôtelier et le manque de confiance dans l’avenir n’aident pas les propriétaires d’établissements à se lancer dans des travaux de rénovation ou d’extension, mises à part quelques exceptions, notamment Le Gray et le Gefinor Rotana. Pourtant une bonne partie du parc immobilier local aurait besoin d’un coup de neuf. Globalement, on sent une stagnation du secteur. Il y a peu de nouvelles ouvertures, celles annoncées ont pris du retard comme dans le cas du Kempinski Summerland qui ouvrira finalement cet été, tandis que d’autres sont suspendues comme le projet de l’architecte Jean Nouvel ou le Grand Hyatt.
De plus, les professionnels du secteur peinent à recruter du personnel de qualité, car les jeunes diplômés des écoles hôtelières préfèrent souvent émigrer. Au final, et malgré l’annonce de nouvelles ouvertures (Royal Tulip Achrafié, Mandarin Oriental), le pays prend malgré lui du retard par rapport notamment aux pays du Golfe.

Miser sur le tourisme de niche

Depuis 2010, le Liban se tourne vers le tourisme rural, ou l’écotourisme. Cette stratégie, d’abord impulsée par un investissement de plus de 10 millions de dollars dans le tissu local par des institutions internationales comme Usaid, l’Union européenne ou encore l’Union pour la Méditerranée, a permis au Liban de développer des initiatives qui mettent en valeur son patrimoine naturel et ses traditions. Par la suite, le ministère du Tourisme s’est à son tour engagé dans cette voie et œuvre à travers sa campagne “Live Love Lebanon” à la promotion des régions. Au niveau de l’offre hôtelière cela se traduit par un engouement des Libanais pour les chambres d’hôte qui affichent des taux d’occupation plus élevés que la moyenne. Enfin le secteur touristique libanais peut encore compter sur les niches que sont les séjours religieux ou médicaux. Mais ces activités spécifiques ne compensent pas la baisse globale du secteur.





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