Les restaurants font aujourd’hui la pluie et le beau temps dans les différentes centralités commerciales de Beyrouth.

La dynamique du marché locatif à Beyrouth évolue au gré de l’engouement des restaurateurs pour tel ou tel quartier, avec des répercussions immédiates sur les prix. Il suffit de quelques mois pour que la vague de la restauration déferle sur un quartier. Dès que la mode est lancée, c’est une véritable course-poursuite qui s’engage entre les enseignes locales pour dénicher les meilleurs emplacements, entraînant la flambée des loyers.
Dans le sens contraire, un retrait progressif des restaurants et des cafés d’une rue entraîne inexorablement son déclin et une chute des loyers. L’évolution des loyers dans quatre rues – Maarad, Gouraud, al-Nahr et Badaro – illustre parfaitement cette influence de la restauration sur le marché immobilier.
L’agonie de la rue Maarad est pathétique. L’ancienne vitrine touristique du centre-ville de Beyrouth a aujourd’hui triste mine. La crise du tourisme, la concurrence de nouvelles destinations culinaires au cœur du centre-ville (aux Souks de Beyrouth et à Zaituna Bay) et les mesures draconiennes de sécurité autour du Parlement lui ont été fatales. Depuis trois ans, les restaurants ferment les uns après les autres. Les plus grandes enseignes telles que Costa, Le Relais de l’Entrecôte, Scoozi, Casper & Gambini’s et Dunkin Donuts, et même McDonald’s ont jeté l’éponge. Aujourd’hui, c’est l’hécatombe. La rue Maarad est engluée dans une spirale négative. Plus personne ne veut y avoir une activité. Au cours des douze derniers mois, les loyers (de 600 à 900 dollars le m2) ont baissé de 30 à 40 %, mais restent encore surréalistes par rapport à leur rentabilité. Ils ne devraient pas dépasser 400 dollars par m2.
Il y a encore quelques années, la rue Gouraud à Gemmayzé était la destination préférée des Beyrouthins. L’ouverture de l’enseigne Paul en 2002, puis du restaurant Food Yard en 2007 avait donné un spectaculaire élan à la rue qui était devenue rapidement l’endroit où il fallait sortir et se montrer. Certains restaurateurs y ont fait fortune en très peu de temps. Au final, une centaine d’enseignes s’y étaient implantées, prenant d’assaut le moindre espace vacant.
Et puis la nuit beyrouthine s’est déplacée vers la rue Makdessi à Hamra, vers la rue Uruguay au centre-ville et surtout vers Mar Mikhaël. Moins fréquentée, la rue Gouraud a perdu de son attrait. Les bars et les restaurants ont mis la clé sous la porte. Aujourd’hui, la rue compte une dizaine de locaux vacants. Certains sont disponibles depuis plusieurs années. Même, la baisse des loyers n’arrive pas à attirer de nouveaux locataires. Désormais, un rez-de-chaussée devrait s’y négocier autour de 200 à 300 dollars le m2.
Devant la saturation et la cherté de Gemmayzé à partir de 2010, les professionnels ont cherché une alternative. Se déplacer vers la rue al-Nahr à Mar Mikhaël était l’option la plus logique, puisque cette rue est le prolongement de Gouraud. La demande ne cessant d’augmenter, de nombreux garages et petits artisans ont été poussés vers la sortie au profit de pubs et de restaurants.
Aujourd’hui, la rue al-Nahr attire tous les regards. La réussite de certaines enseignes attise les convoitises et beaucoup veulent exploiter le filon. La demande y est désormais largement supérieure à l’offre. Naturellement, la flambée des loyers n’a pas tardé. Ils peuvent varier de 400 à 700 dollars le m2 par an.
La rue Badaro est le tube de 2014 ! Alors que tout le monde était focalisé sur Mar Mikhaël, certains professionnels ont compris le potentiel de la rue Badaro : accès facile, loyers abordables et proximité du quartier d’affaires de Adlié. Il n’en fallait pas plus pour attirer des restaurateurs en quête de nouvelles opportunités à moindre coût. Bien que les locaux disponibles ne soient pas si nombreux, les loyers varient de 300 à 400 dollars le m2. La rue Badaro est la seule de Beyrouth où les loyers ont été à la hausse en 2014.