Les parents d’une jeune Saoudienne, bardée des meilleurs diplômes européens en architecture et ingénierie civile, la poussent à arrêter de travailler pour fonder une famille. Pas question de la laisser seule, pour Rana el-Chemaitelly, entrepreneure libanaise et vice-présidente de la Lebanese League for Women in Business (LLWB), « j’irai parler à tes parents si nécessaire ! » promet la jeune femme à l’occasion du lancement fin juillet à Beyrouth de la branche libanaise de l’association Arab Women in Computing (ArabWIC) qui organisera une conférence à Riyad dans les prochains mois.
L’entraide, c’est l’un des premiers objectifs de cette association destinée à promouvoir la place des femmes dans les métiers de la technologie et de l’informatique au Moyen-Orient. L’écart se creuse en effet après les études : « Environ 30 % des étudiants universitaires en IT (Information Technology) sont des femmes au Moyen-Orient, mais cela ne se reflète pas sur le marché du travail », explique Nisreen Deeb, ambassadrice d’ArabWIC au Liban. Alors qu’elles représentent la moitié de la population libanaise, seulement 23 % sont économiquement actives selon une étude de 2009 de l’Administration centrale de la statistique. Et même si 79 % des femmes actives sont employées, seulement 15 % sont propriétaires de leur propre entreprise.
Avec l’accès aux hauts postes dans les grandes sociétés et au domaine universitaire, l’entrepreneuriat est justement l’un des trois piliers d’ArabWIC. « Le premier obstacle sur le chemin des femmes, ce sont elles-mêmes, déplore Nisreen Deeb. Elles se limitent à des objectifs modestes et s’autocensurent. »
« Le plus difficile est de prendre une décision par soi-même quand personne ne te conseille ou ne te soutient », raconte Sabine Kahi, fondatrice de Kids Genious, centre d’ateliers technologiques. De multiples organisations se sont donc fondées au Liban pour créer un réseau de solidarité et de mentorat dans les domaines de l’entrepreneuriat, de la technologie et de l’informatique, comme la fondation Blessing, LLWB ou TechWomen.
Mais la détermination ne suffit pas tant les obstacles culturels sont grands. Sara Hélou, cofondatrice d’eTobb, une application, portail médical pour le grand public, admet qu’il a été plus facile pour elle de se lancer dans une équipe composée de deux hommes : « Il m’est impossible de me rendre en Arabie saoudite pour négocier des partenariats avec des chefs d’entreprise », or la société essaie de se développer dans le Golfe et au Moyen-Orient après avoir franchi le seuil des 20 000 membres au Liban. « Nous sommes tout de même optimistes pour la région Mena. Il y a davantage d’opportunités et les recruteurs commencent à voir l’avantage de diversifier le personnel », espère Nisreen Deeb.