Fondée en 2010, Dermandar continue de surfer sur le succès mondial de sa première application DMD Panorama tout en déclinant progressivement une gamme de produits bâtis sur le même principe : pousser les limites des outils photographiques des téléphones mobiles. Son fondateur, Élie-Grégoire Khoury, s’ouvre aussi à de nouvelles activités telles que l’intégration de sa technologie dans des applications tierces et, à terme, la création de produits pour les entreprises.

Alors que la tendance des autoportraits sur les réseaux sociaux (“selfies”) bat son plein, les Narcisse 2.0 vont désormais pouvoir s’admirer en double, triple voire davantage, sur un seul et même cliché, en téléchargeant DMD Clone, la dernière réalisation de Dermandar. À l’instar de DMD Panorama, l’application ne mise pas tant sur une idée révolutionnaire – le principe a été déjà exploité par des applications comme Clone Camera ou Split Pic –, mais sur la qualité du rendu et la simplicité d’utilisation : « Contrairement à ses concurrents, DMD Clone est entièrement automatique et ne se limite pas à des images présélectionnées », avance Élie-Grégoire Khoury. Concrètement, il suffit de poser son appareil à un endroit fixe puis de capturer plusieurs clichés de la personne dans différentes positions avant d’en déterminer l’emplacement en déplaçant les “clones” ainsi créés. Commercialisée fin décembre 2013 sur l’App Store à 1,99 dollar, l’application est vite devenue gratuite et devrait le rester jusqu’à ce que le seuil du million de téléchargements soit franchi. Une stratégie déjà rodée lors de la sortie de DMD Panorama, qui permet désormais à la benjamine de dépasser le millier de téléchargements quotidiens. Un score honorable mais néanmoins bien en deçà des plus de 500 000 downloads franchis lors du premier mois de commercialisation de DMD Panorama, en juin 2011. « En réalité, la cible n’est pas la même : DMD Clone a surtout été téléchargée par les 15-25 ans, tandis que DMD Panorama a été plébiscitée par les 25-50 ans », souligne Élie-Grégoire Khoury. Ce, en dépit d’une stratégie de marque consistant désormais à accoler le sigle DMD sur l’ensemble des appellations de ses produits afin de faciliter leur identification avec leur illustre aînée.
Lorsqu’en janvier 2010, Élie-Grégoire Khoury se lance, avec son associé Élias Fadel Khoury, dans l’aventure Dermandar (“tout autour” en libanais) en créant un site Internet permettant de mettre en ligne des clichés pour créer des panoramas à 360 degrés ou en grand angle, il est loin de se douter qu’ils sont en train de donner naissance à l’une des premières “success stories” internationales d’une scène numérique libanaise encore en bourgeonnement, aux côtés de pionniers comme Woopra (voir Le Commerce du Levant n° 5585), Pou ou Instabeat (Le Commerce du Levant n° 5643). Une ouverture de capital au fonds Berytech qui investit 200 000 dollars contre 35 % des actions, donne le premier coup d’accélérateur en fournissant les fonds nécessaires pour décliner le concept en version mobile et séduire ainsi plusieurs millions de consommateurs du monde entier. Un engouement qui permet à la start-up basée à Jounié de devenir bénéficiaire dès sa première année d’activité et suscite les convoitises. « Nos résultats nous ont permis de ne pas courir après les investisseurs ; pour autant lorsqu’une opportunité intéressante se présente il ne faut pas hésiter à la saisir », affirme Élie Grégoire Khoury. C’est précisément ce qui s’est passé lorsqu’à la fin de l’année 2011, Georges Harik, l’un des premiers employés de Google alors en vacances dans son Liban natal, lui propose d’investir 250 000 dollars contre une participation au capital de 5 %, faisant grimper la valorisation de la société à 5 millions de dollars. Une valorisation ensuite accrue de quelques millions supplémentaires avec la cession de 2,5 % des parts de son associé Élias Fadel Khoury à trois investisseurs libanais, à l’identité non divulguée.
Forts de cette assise financière, les fondateurs musclent leur équipe pour développer de nouveaux projets. Première étape : sortir une version Android de l’application phare : « Cela a amélioré la visibilité du produit, mais sans effet sur la rentabilité. Sur le million d’exemplaires téléchargés, moins de 1 % l’a été en version payante – dix fois moins que sur l’App Store – et les revenus publicitaires sont dérisoires », déplore Élie-Grégoire Khoury. Deuxième étape : exploiter au maximum le savoir-faire technologique de la start-up dans trois directions. D’abord sortir de nouvelles applications photos : Twit 360, 360 Ball (voir Le Commerce du Levant n° 5636) et DMD Clone étendent la gamme dans le courant de l’année 2013. Ensuite, développer des extensions permettant d’améliorer les performances de son appli phare : « HD, la première extension de DMD Panorama qui permet notamment de multiplier par quatre la résolution des clichés, est désormais davantage téléchargée que l’application tout en étant vendue au même prix », se réjouit le fondateur. Enfin, transférer sa technologie de création de clichés panoramiques à d’autres développeurs pour qu’ils l’intègrent à leurs applis en échange d’une redevance de l’ordre de 20 % des marges brutes. « Jusqu’à présent, trois applications exploitent notre technologie sous licence : Panorama Postcards, 360 Cities et Cycloramic, une appli qui permet à l’iPhone de tourner sur lui-même à 360 degrés et a suscité l’enthousiasme de nombreux observateurs, dont Steve Wozniak, l’un des cofondateurs d’Apple ! », clame-t-il fièrement.
Avec une dizaine de salariés entièrement dédiés à la recherche et au développement, et un chiffre d’affaires annuel frôlant désormais le demi-million de dollars, Dermandar a les ressources nécessaires pour étendre ultérieurement sa palette d’activités et poursuivre sa croissance. Avec là encore, plusieurs objectifs : « Jusqu’à présent, nous n’avons pas défini de stratégie bien arrêtée et traçons notre chemin en fonction de l’expérience. Je pense qu’il y a des pistes intéressantes à creuser dans le domaine de la réalité augmentée, notamment pour des services aux professionnels. On peut par exemple imaginer une appli combinant les fonctions photographiques et de géolocalisation pour faciliter les recherches immobilières… », explique l’entrepreneur. Autre piste à l’étude, consolider un succès jusque-là essentiellement fondé sur le bouche-à-oreille en embauchant un responsable marketing. Seule certitude : « La priorité est de compléter l’offre autour du Panorama pour parvenir à imposer Dermandar comme la référence mondiale en la matière. » Sa prochaine application, DMD Topic, devrait sortir au premier trimestre 2014 et permettra d’enregistrer un commentaire sur les différents éléments qui composent un cliché panoramique. Une innovation qui devrait une fois encore faire le ramdam et, peut-être, le rapprocher un peu plus son concepteur de son objectif secret : ouvrir un jour une filiale à Palo Alto et se faire racheter à prix d’or.