Au palmarès des héros libanais de la Silicon Valley, Tony Fadell figure parmi les incontournables. L’inventeur du iPod et du iPhone était de passage à Beyrouth pour rencontrer les entrepreneurs de son pays d’origine à l’occasion de la conférence BDL Accelerate.
Tony Fadell n’a jamais vécu au Liban. En réalité, il n’y est venu qu’une seule fois, il y a plus de vingt ans. De l’histoire tumultueuse de Beyrouth, il garde un souvenir : la tentative lancée par quelques étudiants de l’Université Haïgazian pour développer un programme spatial durant les années 1960. « Si ça ce n’est pas de l’entrepreneuriat, je ne sais pas ce qui peut en être », dit-il.
Accueilli en vraie star par un parterre de plusieurs milliers de personnes, Tony Fadell a d’abord félicité la Banque centrale qui l’invitait, pour son initiative, avant de pointer du doigt une évidence : « Le Liban est un lieu unique pour créer des start-up, mais vous devez absolument vous doter d’un véritable accès à Internet. Sans cela, il n’y a pas d’économie numérique possible », a-t-il répété à plusieurs reprises.

Apprendre de ses échecs

À près de 50 ans, l’ingénieur, aujourd’hui installé en France, a beaucoup insisté sur la nécessité d’accepter les échecs. « Dans la Silicon Valley, il y a beaucoup plus d’entreprises ratées qu’on ne le pense. Regardez-moi, vous connaissez mon parcours depuis que j’ai rejoins Apple, mais avant, je suis allé de défaite en défaite. »
En 1992, Tony Fadell, alors âgé de 22 ans, rejoint General Magic, une entreprise qui proposait un appareil de communication portatif. « C’était une sorte d’iPhone, quinze ans trop tôt », ironise-t-il. Malgré plus d’un milliard de dollars d’investissement dans le produit, le succès n’est pas au rendez-vous. Après un passage chez Philips, l’ingénieur lance Fuse, une première start-up qui développe de petits baladeurs de musique. Cette fois, il n’arrive même pas à séduire les investisseurs. « Nous étions ruinés évidemment, mais on s’est repris en main et aujourd’hui je peux dire que ces échecs m’ont permis d’intégrer Apple. »
Les portes d’Apple s’ouvrent en 2001. À l’époque, le constructeur informatique ne couvre pas plus d’un pour cent du marché américain et vit de ses dettes. Tony Fadell met ses précédentes expériences en matière de disques durs portatifs au service de son nouvel employeur. La même année, le premier iPod est lancé sur le marché, dès 2007 Apple en vend plus de 50 millions à travers le monde chaque année. « J’ai gardé un exemplaire de chacun des 18 modèles que nous avons développés, dans toutes les couleurs », avoue-t-il.
À Beyrouth, Tony Fadell conseille aux jeunes entrepreneurs de se lancer sur des créneaux où il n’y a personne. « Il s’agit d’être présent là où les autres n’ont pas pensé à se positionner. Ce faisant, il faut avant tout répondre à un besoin réel. On a davantage de succès en inventant un antidouleur qu’une vitamine », explique-t-il.
Après avoir quitté Apple en 2008, Tony Fadell devient l’un des pionniers des objets domestiques connectés. L’aventure commence à la maison, avec un thermostat. « Je me suis dit que cet objet de tous les jours n’avait quasiment pas évolué depuis son invention, alors j’ai travaillé dessus. » Le résultat c’est le Thermostat Nest, un appareil qui automatise les changements de température d’une pièce ou d’une maison suivant les habitudes de ses habitants. L’entreprise Nest, qui a ensuite développé d’autres appareils domestiques intelligents comme des détecteurs de fumée, a été rachetée pour la somme de 3,2 milliards de dollars par Google en 2014.
Malgré sa carrière dans les technologies de pointe, Tony Fadell conseille aux aspirants inventeurs de ne pas se lancer dans le hardware. « Les technologies de pointe sont difficiles à développer et extrêmement coûteuses, il est beaucoup plus rationnel de commencer avec un logiciel ou une application qui ensuite pourra donner lieu à de la recherche et développement si le produit est viable. » Et d’ajouter : « Le succès, ce n’est pas de lever des fonds, encore moins de terminer une campagne de crowdfunding sur Indiegogo ou Kickstarter. On a réussi seulement lorsque le produit est entre les mains du client et qu’il dégage du profit. »