Entretien avec Édouard Monin, PDG d’Ipsos Mena, pour faire un point sur les principales évolutions des audiences télévisées en 2013.

En 2013, l’audience moyenne de la télévision a augmenté de manière significative au Liban, selon une enquête d’Ipsos. Elle est passée de 5h09 en 2012 à 5h30 par jour. Toutes les chaînes en bénéficient qu’elles soient locales, arabes ou internationales. L’audience des chaînes locales représente 51 % du total avec une augmentation de près de 17 minutes à 3h15 de moyenne par jour. Selon Édouard Monin, PDG d’Ipsos Mena, cela s’explique par une amélioration de la qualité et de la variété des programmes, notamment avec la production de séries télévisées. Le programme le plus suivi cette année est celui de la LBC “Wa Ashrakat el-Shams”, une série locale, qui illustre la montée du divertissement face aux programmes politiques. En 2013, les séries représentent 37 % de l’audience des chaînes locales, contre 29 % en 2012. L’actualité tombe à 15 % contre 20 % en 2012, de même que la politique et les talk-shows qui n’attirent plus que 10 % des téléspectateurs contre 13,2 %. Les programmes socioculturels ont aussi réduit leur part de marché à 10 % contre 17 %.
Autre facteur de l’augmentation des audiences télévisées : l’équipement des foyers en téléviseurs est en hausse de 20 %. Il passe de 1,52 poste par foyer en 2012 à 1,82 en 2013. « On est donc davantage tenté d’allumer le poste de télévision. On a davantage de possibilités de la regarder ; dans la chambre, dans la cuisine… », explique le PDG d’Ipsos Mena. Les femmes sont plus nombreuses à regarder la télévision, les jeunes, eux, regardent de moins en moins. « Ils sont exposés à d’autres écrans, consoles de jeux, smartphones, Internet… ce qui fractionne le temps passé sur chacun d’entre eux », explique Édouard Monin.
Pour mesurer ces chiffres, Ipsos s’appuie sur un panel national qui passera de 600 à 700 foyers en 2014. Il ne tient pas compte du million de réfugiés syriens, considérés comme des résidents non permanents au Liban.
« Il s’agit de renforcer le panel afin de pouvoir lire les résultats selon des critères plus pointus » et de répondre à une demande de précision des annonceurs publicitaires. L’objectif est de pouvoir segmenter l’audience par régions, ou suivant le sexe des téléspectateurs, mais aussi de pouvoir identifier le public des femmes avec des enfants de deux ans, par exemple. « Cela nécessite d’élargir le panel pour être le plus précis possible », complète Édouard Monin. Ipsos s’appuie sur les chiffres officiels de l’Administration centrale de la statistique. Tous les deux ou trois ans, un auditeur international est mandaté par le comité qui regroupe des annonceurs, des agences de publicité et des chaînes de télévision, qui commande et contrôle l’étude pour vérifier la qualité du panel. « Le dernier contrôle remonte à 2012. » Mais la représentativité du panel continue de susciter des débats, étant donné l’absence de recensement de la population. La part des chrétiens et des musulmans a notamment suscité beaucoup de débats lors de la présentation des chiffres d’Ipsos lors d’une conférence de presse en janvier. « À défaut de chiffres officiels, nous nous basons sur nos études et sur les listes électorales », explique Édouard Monin.

Très légère hausse du marché publicitaire au Liban en 2013

Les dépenses publicitaires tous médias confondus ont totalisé 185 millions de dollars en 2013, contre 182 millions de dollars en 2012, selon Édouard Monin, PDG d’Ipsos Mena. Il s’agit d’une estimation réalisée par la société, car le chiffre d’affaires communiqué par les médias porte sur les prix tarifs, c’est-à-dire le prix affiché de l’espace sans tenir compte des remises et escomptes extrêmement généreux dans le secteur. La différence entre les deux est de 8, contre un ratio de 6,8 en 2012, selon Édouard Monin. Une situation qui s’explique par la crise économique et la compétition importante entre les médias qui en découle les poussant à casser les prix. Pour 2014, Édouard Monin ne voit pas d’amélioration, tout au plus, une stagnation des dépenses. « Le seul espoir viendrait de l’organisation d’élections législatives accompagnée de campagnes publicitaires importantes. »
La télévision est le support qui attire le plus d’annonceurs en valeur, avec 75 millions de dollars en chiffres réels en 2013, soit 40 % du total (à quasi-égalité par rapport à 2012 où ils représentaient 39 % des dépenses à 71 millions), contre 1,1 milliard à prix tarifs. Un ratio de 15,5 sépare les deux chiffres, supérieur à la moyenne des médias.
En revanche, la presse écrite souffre avec 10 % de baisse des dépenses publicitaires pour les quotidiens et 13 à 15 % de baisse pour les magazines. « À chaque période de crise, ce support est affecté », explique le PDG d’Ipsos Mena. Les prix cassés de la télévision n’expliquent pas à eux seuls cette difficulté. « Le lectorat papier est en baisse, les médias le récupèrent sur les supports numériques, mais les dépenses publicitaires en ligne ne sont pas encore suffisantes », explique Édouard Monin. Les dépenses publicitaires sur Internet commencent tout de même à se développer au Liban avec une croissance de 22 % entre 2012 et 2013 à 5 millions de dollars, selon Ipsos. « Le marché est encore petit, mais il est mieux contrôlé, les prix réels collent pratiquement aux prix tarifs. » Internet est pris en compte depuis 2010 dans les mesures des dépenses de l’Ipsos, mais l’augmentation est visible depuis deux ans. « Nous sommes encore en dessous des taux de croissance des pays développés, mais c’est un média prometteur dans la région. »