Les banques libanaises ont tiré profit de la croissance des flux financiers vers le Liban pour améliorer globalement leurs résultats en 2013. Le bilan du secteur non consolidé, qui ne prend pas en compte les filiales étrangères, a augmenté de 8,5 % pour atteindre 164,8 milliards de dollars en décembre, soit près de 3,8 fois la taille du PIB libanais contre un ratio de 3,5 en 2012. Comme par le passé, la hausse des dépôts a été l’un des principaux moteurs de ce surcroît d’activité : les dépôts bancaires des secteurs privé et public ont augmenté de 9 % sur l’année et représentent 84,4 % du total des actifs, soit 139,2 milliards de dollars. Officiellement, le secteur privé résident continue d’alimenter l’essentiel de ces dépôts, malgré une baisse de deux points de pourcentage à 77 % du total. Cette baisse relative traduit en réalité une croissance moins rapide (+6,8 %) que celles des dépôts du secteur privé non résident (+18,2 % à 28,5 milliards de dollars) et du secteur public (+11,3 % à 3 milliards de dollars). Ces indicateurs restent toutefois à manier avec des pincettes dans la mesure où la notion de résidence demeure imprécise. La croissance des dépôts en devises, qui a représenté 81 % de la croissance totale en 2012, selon la Bank Audi, a été bien plus forte que celle des dépôts en livres -11,2 % contre 4,9 %, contribuant à une hausse du taux de dollarisation à 66,1 % fin décembre.

Augmentation mesurée des crédits

Ce supplément de ressources a bénéficié en partie à l’économie libanaise dans une conjoncture morose. Les crédits au secteur privé ont augmenté de 9 % à 47,4 milliards de dollars. Cela représente 28,7 % du bilan total, une proportion inchangée par rapport à l’année antérieure. Comme par le passé, le secteur privé résident a absorbé la quasi-totalité (88 %) de ces crédits pour un total de 41,5 milliards de dollars, soit une croissance annuelle de 9,6 % contre 2,4 % pour le secteur privé non résident. Les crédits en livres demeurant favorisés par les mesures de relance prises par la Banque centrale, le ratio de dollarisation des crédits a à nouveau baissé à des planchers historiques, atteignant 73,25 % en décembre 2013. Au total, le ratio crédits sur dépôts s’est maintenu au niveau relativement faible de 35 % et la sélectivité reste de mise : le ratio de créances douteuses publié par la BDL a baissé d’un dixième de points à 3,4 % et
75 % d’entre elles seraient provisionnées.
Après s’être globalement resserré en 2012, les marges sur les taux ont suivi des trajectoires divergentes en 2013. Les taux d’intérêt créditeur et débiteur moyens en livres libanaises sont tous deux repartis à la hausse, passant respectivement de 5,41 % et 7,07 % à 5,44 % et 7,29 % en fin de période. Cela se traduit par une augmentation de 19 points de base de la marge sur la livre, après une contraction de 9 points l’année antérieure. Celle sur le dollar a en revanche continué de baisser, de 8 points de base en 2013 contre 18 points en 2012. Le taux d’intérêt moyen sur les dépôts s’est en effet accru de 9 points de base sur l’année, à 2,95 %, en décembre. Ce alors que le Libor à trois mois a baissé graduellement de 7 points sur la même période, à 0,24 % ; et que les taux d’intérêt sur les crédits en dollars ont quasiment stagné, passant de 6,87 % en décembre 2012 à 6,88 % en décembre 2013.
Pour la troisième année consécutive depuis 2007, l’État a diminué son aide aux petites et moyennes entreprises en 2013. L’organisme de garantie de crédit Kafalat a garanti 871 emprunts d’une valeur totale de 118 millions de dollars. Cela représente une baisse annuelle de 15 % en volume et de 14 % en valeur. Le secteur agricole a capté 374 prêts garantis, soit 43 % du total, contre 39 % en 2012. Ceux destinés à l’industrie ont à nouveau chuté de 25 % pour ne représenter que le tiers du total, tandis que les activités technologiques, bonnes dernières, ont connu la seule progression numéraire sectorielle avec 19 prêts concédés en 2013 (+36 %).

Appétit croissant pour les créances publiques

Le secteur public reste le principal client des banques commerciales, avec un portefeuille de bons du Trésor et d’eurobonds de 37,7 milliards de dollars en 2013, soit 44,3 % du total des crédits. Un ratio en augmentation d’environ trois points de pourcentage par rapport à l’année précédente. Le montant des dépôts des banques commerciales à la Banque centrale a, lui, augmenté de 3,5 % sur l’année à 54,4 milliards de dollars. Quant au montant des certificats de dépôt souscrit par les banques, il s’est considérablement accru après la faible baisse enregistrée l’année précédente, passant à 22,4 milliards de dollars (+46,5 %). Rapportée à l’ensemble des actifs bancaires, l’agrégation de ces montants aboutit à un ratio d’exposition de 69 %, en hausse par rapport à 2012 (65 %).
S’agissant des bénéfices du secteur, le rapport trimestriel de la Bank Audi fait part d’une amélioration de 4,1 % des profits nets à 1,64 milliard de dollars. Cette légère progression marque un renversement de tendance après deux années de faible contraction.
Contrairement à l’année précédente, les 14 banques Alpha (celles dont les dépôts sont supérieurs à deux milliards de dollars) affichent des performances globalement moins satisfaisantes que l’ensemble du secteur : elles ont totalisé 1,7 milliard de dollars de bénéfices nets cumulés en 2013, en hausse annuelle de
2,3 %, selon le dernier rapport de Bankdata Financial Services. Cela reste néanmoins une performance supérieure à celle de 2012 qui avait marqué à cet égard la plus faible croissance de la dernière décennie (1,4 %). Enfin, comparés à l’actif total moyen et aux fonds propres moyens, les profits nets de l’ensemble du secteur affichent des ratios respectifs de 1 % et de 12 %, « tous deux considérés comme satisfaisants relativement aux moyennes régionales et mondiales », selon les analystes de Bank Audi.
Enfin en ce qui concerne les soupçons d’activités illégales, 301 cas de blanchiment d’argent présumés ont été signalés à la Commission spéciale d’investigation (CSI) de la Banque centrale en 2013
(+6 %). Après en avoir étudié 255, la CSI a demandé la levée du secret bancaire pour 17 d’entre eux, dont un à l’étranger.