L’année 2013 confirme le tournant significatif pris l’année précédente par les finances publiques : pour la deuxième année consécutive, le déficit public s’est accru pour atteindre 9,7 % du PIB et dépasser la barre symbolique des quatre milliards de dollars. Plus inquiétante encore est l’évolution du solde budgétaire primaire, qui reflète l’état des comptes publics avant le paiement du service de la dette : après avoir enregistré l’année précédente son premier déficit depuis 2006, ce dernier s’est encore dégradé de 120 % pour atteindre 0,6 % du PIB. Sans doute trop affairés à d’autres choses, le Parlement et le gouvernement ont “oublié” de doter l’État d’un budget pour la neuvième année consécutive.

Hausse du service de la dette et des dépenses d’investissements

À première vue, les dépenses publiques ont suivi une trajectoire sensiblement similaire à celle de l’année précédente, augmentant de 2,4 % à 13,6 milliards de dollars, soit 31 % du PIB (contre 32 % en 2012). Pour autant, les causes de cette augmentation sont en revanche bien différentes : les dépenses de personnels et les transferts destinés à combler le déficit d’Électricité du Liban, qui constituaient les principaux facteurs de la hausse de 2012, sont tous deux en diminution relative – respectivement de 4 % et 10 %. Ce, notamment parce que certaines causes conjoncturelles d’aggravation des dépenses en 2012 n’ont plus été réunies en 2013 : il en va de certaines hausses de salaires rétroactives accordées à tout ou partie des agents publics ou de la diminution des prix du pétrole qui ont allégé la facture électrique malgré une hausse de la production. Les dépenses relatives aux traitements et salaires, qui pèsent désormais le quart des dépenses courantes, ont diminué de 3 % à 2,8 milliards de dollars, tandis que le paiement des retraites et des indemnités de fin de service a baissé de 4,5 %.
La hausse globale des dépenses est donc à chercher ailleurs. À commencer par le service de la dette, en augmentation de
4 % après deux années consécutives de baisse du fait d’une hausse de 10 % des intérêts libellés en devises. Pesant 3,98 milliards de dollars, il continue néanmoins de représenter 29 % du total des dépenses publiques et 42 % des recettes budgétaires. Les dépenses d’investissement ont, elles, augmenté environ treize fois plus vite (+30 %) que les dépenses totales pour atteindre un total de 655 millions de dollars. Les principaux bénéficiaires de cette hausse sont le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) et le ministère des Travaux publics et des Transports. Enfin, certains transferts de fonds vers des institutions tierces ont ultérieurement grevé le bilan. C’est notamment le cas des transferts à la Caisse nationale de Sécurité sociale, qui ont été multipliés par 2,5 à 166 millions de dollars en raison du paiement d’arriérés gouvernementaux et des pressions exercées par la présence des réfugiés syriens sur les dépenses hospitalières ; des contributions à des projets sociaux (+31 %) et de la dotation au Tribunal spécial pour le Liban (TSL) qui n’était pas budgété en 2012 et a coûté environ 38 millions de dollars aux contribuables en 2013.

Baisse des recettes fiscales

Les recettes ont elles aussi connu une amélioration, mais à un rythme sensiblement moins élevé que celui des dépenses : les recettes totales n’ont crû que de 0,3 point (contre 0,7 l’année précédente) pour atteindre 9,42 milliards de dollars. La très légère baisse des recettes non fiscales (-0,5 %) comme celle des recettes fiscales (-0,7 %), qui pèsent plus des deux tiers des recettes totales, n’a pas été compensée par la hausse de dix-huit points des encaissements du Trésor dans la mesure où ces derniers ne pèsent que l’équivalent de 6 % du total des recettes budgétaires.
La perte de 47 millions de dollars de recettes fiscales par rapport à l’année précédente résulte essentiellement du ralentissement de l’activité. Les impôts sur les revenus ont rapporté neuf millions de dollars en moins (0,6 % du total) que l’année précédente. Si les rentrées liées à l’imposition du revenu du travail ont continué d’augmenter – de 12 % à 389 millions de dollars –, la plupart des autres postes sont en baisse. C’est notamment le cas des impôts des revenus du capital (dividendes et plus-values) qui ont baissé à un rythme de (22 %) correspondant à la hausse qu’ils avaient connue en 2012 ou des impôts sur les bénéfices dont les recettes ont baissé de trois points. Quant à l’augmentation des recettes des taxes sur les biens et services (+0,9 %) et des taxes foncières (+0,7 %), elle a été plus que compensée en valeur par la baisse de plus de quatre points des taxes sur le commerce international. Totalisant cette année 1,43 milliard de dollars, elles ont connu une évolution contrastée : le produit des droits de douane a certes augmenté de 2,5 %, mais la plupart des accises ont baissé, à l’image de la taxation sur les importations de tabac qui ont connu une forte décrue (-23 %) après deux années de hausse sensible (respectivement de 16 % et 28 %). Une chute liée à la baisse sensible des importations de ces produits qui serait due, selon une note publiée en avril par la BlomInvest Bank, à une reprise partielle de la production syrienne.
S’agissant des recettes non fiscales, qui regroupent principalement les transferts d’organismes publics, elles ont baissé d’environ 12 millions de dollars pour atteindre 2,17 milliards de dollars. Cette diminution est néanmoins dix fois moins importante que celle connue en 2012 sur ce poste, les transferts des télécoms, principaux pourvoyeurs de recettes non fiscales, étant restés stables à 1,43 milliard de dollars. Les revenus provenant du Casino du Liban ont, eux, continué de pâtir (-8 %) de la baisse des touristes, tandis que le port de Beyrouth a repris ses transferts, inexistants l’année dernière, du fait de la reprise de son activité en 2012, à hauteur de 20 millions de dollars.

La courbe de la dette poursuit son ascension

Le déséquilibre budgétaire s’est naturellement traduit par une aggravation de la dette publique brute qui a enregistré la hausse la plus importante depuis quatre ans (10 %) pour atteindre 63,5 milliards de dollars et retrouver, avec 146 % du PIB, un ratio comparable à celui observé en 2009. En excluant les dépôts du secteur public auprès des banques commerciales et de la BDL, la dette publique nette a, quant à elle, affiché une croissance légèrement inférieure (8,2 %) pour atteindre 53 milliards de dollars.
Pour de nombreux observateurs, qui citent pêle-mêle le coût potentiel de la nouvelle grille des salaires, la présence sans cesse croissante de réfugiés syriens et l’instabilité gouvernementale, la situation des finances publiques devrait continuer de se dégrader en 2014. En janvier, l’Institut international des finances, un groupe de pression bancaire, a fait sensation au sein des milieux financiers en déclinant deux scénarios pour 2014. Dans l’hypothèse très optimiste d’une croissance économique de 5 %, le déficit public se maintiendra aux alentours des 9 % du PIB ; l’hypothèse pessimiste qui repose sur une accentuation des difficultés rencontrées en 2013 table, elle, sur un déficit de 12 %. Ce dernier scénario est, semble-t-il, celui retenu par Moody’s qui a prédit, en mai, un déficit public annuel de 11 %. Tous s’accordent à penser que le poids de la dette publique sur le PIB devrait s’aggraver pour la troisième année consécutive.