Les sociétés recyclant du plastique au Liban se sont multipliées depuis une dizaine d’années. Au moins une vingtaine de principaux acteurs sont présents sur le marché, auxquels s’ajoutent nombre de petites structures. Il a cependant été impossible d’avoir une idée du volume du marché du plastique recyclé au Liban et de la part des produits fournis localement par rapport aux granulés importés.
Plusieurs facteurs expliquent ce développement : l’investissement est nettement moins élevé que pour le recyclage d’autres matériaux comme le verre ou le carton et les débouchés locaux sont nombreux, surtout pour le plastique HDPE (polyéthylène haute densité). « Il faut compter 250 000 dollars pour se lancer dans le recyclage du plastique HDPE et acquérir une infrastructure complète d’une capacité d’une à deux tonnes de plastique par jour », explique Élie Debs, directeur général de la société Lebanon Recycling Works. Généralement opaque, on le retrouve dans les bouteilles de jus de fruits ou de détergent. Lavé, broyé, puis transformé en granulés après extrusion, il est vendu principalement à des sociétés libanaises qui fabriquent des tuyaux d’irrigation et des cageots en plastique pour les fruits et légumes. L’autre catégorie de polyéthylène, de basse densité (LDPE), présent dans les déchets, sert lui à produire des sacs-poubelle ou des sacs-plastique noirs de faible qualité (utilisés par exemple dans les épiceries). Le plastique recyclé est la plupart du temps mélangé à du plastique pur, notamment pour fabriquer des tuyaux d’irrigation. Il ne peut en revanche pas servir aux emballages alimentaires, la qualité étant insuffisante. « Il existe un marché local important pour les granulés de plastique recyclé », affirme Khalil Cherry, directeur général de Plastic Chem Company et secrétaire général de l’Association des industriels libanais. « Son principal avantage est son coût, en moyenne de 30 % inférieur à celui du plastique vierge », explique Mounir Moubarak, directeur de la société Techniplast, qui fabrique des tubes d’irrigation. Le plastique HDPE est parfois directement transformé en produit fini par les sociétés qui le recyclent.
S’il est moins coûteux que pour d’autres matières, le recyclage du plastique est plus complexe, car les divers plastiques (PET, HPDE, LDPE, PP, PVC…) ne fondent pas aux mêmes températures et ont des propriétés différentes qui compliquent leur recyclage s’ils sont mélangés. Au Liban, l’absence de tri à la source rend une bonne séparation quasiment impossible. En outre, certaines compagnies ne possèdent pas de système de lavage des plastiques. Au final, la qualité du matériau recyclé est jugée approximative par certaines sociétés clientes, qui préfèrent s’approvisionner dans la région. « Nous achetons plus de 80 % de notre plastique recyclé aux Émirats arabes unis. Il existe beaucoup de compagnies de recyclage du plastique dans les pays du Golfe qui fournissent des produits de qualité », explique un responsable de la société Alphaplast, qui produit notamment des caisses en plastique pour l’agriculture.

Impact de la chute des prix du pétrole

Si le HDPE est l’un des plastiques les plus présents dans les déchets libanais, le plastique PET (polyéthylène térépralathe) – du plastique transparent utilisé pour les bouteilles de boissons gazeuses – est en constante augmentation et représenterait près de 50 % des déchets plastiques libanais, selon Christ Der Sarkissian, responsable de gestion des déchets ménagers à Arcenciel. Mais cette catégorie de plastique est beaucoup moins transformée au Liban. « Techniquement, le recyclage du PET est plus complexe et coûte en moyenne 20 % plus cher », assure Élie Debs. La demande pour ce type de produit est également moins forte. Le PET recyclé, qui prend la forme de paillettes, est en effet utilisé pour fabriquer des fibres de polyester, qui servent au rembourrage de couettes, à la fabrication de tissus, moquettes, laines polaires… une industrie quasi inexistante au Liban. Et la concurrence régionale s’avère rude. « Les fibres de polyester importées de Turquie sont moins chères que celles qui sont fabriquées au Liban », explique Élie Daou, PDG de la société Comfort Mat, qui fabrique des matelas. Lefico, la plus grande et l’une des seules entreprises à recycler du PET, appartient à la famille Helbawi, dans la Békaa. Elle en reçoit 4 000 tonnes chaque année (en grande majorité de Sukleen) et utilise une partie de sa production pour alimenter une autre société de fabrication de matelas, Fomaco, qui lui appartient.
Le PET, qui trouve peu de débouchés au Liban, est exporté en grande partie, en particulier vers la Chine. « C’est le premier importateur de déchets plastiques au monde et les coûts de transport par voie maritime sont relativement peu élevés », explique Élie Debs. Ces derniers mois, le recyclage du PET – et en général du plastique – a cependant été affecté par un facteur conjoncturel : la fluctuation des prix du pétrole. La matière plastique vierge provenant de la pétrochimie classique, la chute des prix du pétrole fait nécessairement baisser les tarifs du plastique vierge, ce qui impacte la compétitivité du plastique recyclé. La société libanaise Wood Plus, qui recyclait du plastique PET depuis 2014, en a récemment fait les frais. « L’année dernière, nous vendions une tonne de plastique recyclé entre 850 et 1 000 dollars la tonne, alors que le plastique vierge variait entre 1 650 et 1 850 dollars la tonne. Aujourd’hui, la tonne de plastique vierge oscille autour de 800 dollars. Résultat, le PET recyclé n’est plus demandé », déplore Élie Yammine, PDG de Wood Plus, dont la société a dû fermer en 2015.