La balance courante est l'indicateur essentiel pour l’analyse des relations économiques d’un pays avec l’extérieur.
En termes économiques, il n’y a aucune raison de distinguer les échanges de marchandises des échanges de services. L’exportation d’ordinateurs n’est pas plus méritoire que celle de licences de logiciels. C'est donc la balance des biens et services qui devrait être suivie d'autant plus que les échanges de biens accusent un déficit très lourd.
D’abord, c’est la balance des biens et services qui reflète la compétitivité des entreprises d’un pays. La performance d’une économie n’est rien d’autre, en définitive, que sa capacité à mobiliser ses ressources domestiques (capital et travail) pour produire des biens et des services dans des conditions de qualité et de prix (ce que l’on résume sous le vocable de productivité) qui les rendent désirables aussi bien sur le marché intérieur qu’à l’exportation.
Un déficit régulier de la balance des biens et des services reflète donc un problème structurel fondamental au niveau de l’utilisation des ressources économiques et de leur productivité.
Ce déficit peut être tempéré par les comptes de revenu et les transferts.
Mis à part le revenu des résidents travaillant saisonnièrement à l'étranger (ce qui est bien plus rare pour les Libanais à l'étranger que pour les ouvriers saisonniers syriens au Liban), le compte de revenu reflète surtout le résultat des mouvements de capitaux cumulés au cours des années précédentes : on y retrouve les intérêts perçus sur les placements extérieurs, les dividendes des investissements extérieurs, etc., moins les flux symétriques. C'est donc là une sorte de compte tampon qui traduit le caractère intertemporel sous-jacent aux équilibres d'une économie avec l'étranger. Lorsqu’une économie exporte régulièrement des capitaux (sa balance de capitaux est déficitaire et sa balance courante est symétriquement excédentaire), son compte de revenu est crédité du produit de ses investissements. C'est notamment le cas de la Chine (qui, face à des gains majeurs de productivité, restreint sa consommation domestique et refuse de laisser sa monnaie se réévaluer) ou de la Norvège (qui se refuse volontairement à utiliser le produit de ses exportations de pétrole comme des revenus et les investit, pour la part possible, chez elle, et investit le reste à l'étranger au profit des générations futures).
Les transferts sans contrepartie sont d'une nature tout à fait différente. Si l'on met de côté les transferts opérés par l’État, il s'agit essentiellement des transferts des émigrés, devenus résidents d'autres pays, vers leur famille restée au pays. Comme le compte de revenu, ils sont le résultat de l'exportation par une économie de ses ressources, en l'occurrence, humaines. Dans l'un et l'autre cas, cela dénote l'incapacité de cette économie, ou son refus, d'employer la totalité des ressources disponibles dans le développement de sa production domestique de richesse. Mais les différences entre les deux phénomènes sont de taille :
• Les capitaux placés à l'étranger s'accumulent, alors que les émigrés s'intègrent progressivement dans les pays d'accueil ou attirent leurs familles avec eux, ce qui dissipe les effets de chaque vague d'émigration au bout d'une génération et nécessite, pour maintenir le flux de transferts, des vagues continues d'émigration.
• Les capitaux sont rapatriables et peuvent participer au “lissage” d'une économie dans le temps (cas de la Norvège), alors que l'émigration, dès lors qu'elle se dirige vers des sociétés qui ont dépassé la phase du boom de la natalité et qu'elle touche des travailleurs qualifiés, aboutit à déprimer la structure par âges de la population résidente et à réduire le capital humain disponible.
Si le solde des opérations courantes donne donc une image synthétique des relations d'une économie avec l'extérieur, il intègre (et risque de masquer) des dynamiques fondamentales (les échanges de biens et services) et des dynamiques compensatoires, positives ou négatives, voulues ou subies (les comptes de revenu et les transferts sans contrepartie).
De même, toute opération courante est compensée par un flux financier, ce qui se traduit par une identité entre le solde de la balance courante et le solde des comptes courant et financier. Un déficit de la balance courante correspond donc schématiquement à une dette financière de l’économie domestique envers l’extérieur et inversement. En d’autres termes, un déficit des opérations courantes signifie :
• Dans l'immédiat, une consommation et un investissement domestiques supérieurs à la production domestique.
• À l'avenir, un prélèvement sur la production domestique et par suite sur la consommation et l'investissement.
En ce sens, un déficit passager et réduit est acceptable, un déficit plus significatif est légitime dans le cas d'une reconstruction, car celle-ci ne doit pas être entièrement supportée par une seule génération et il est normal d'en reporter une partie du coût sur les générations ultérieures qui vont profiter de ses fruits. Mais un déficit chronique est, sans aucun doute, la marque d'une situation grave.