L’affirmation la plus répandue à propos des services est celle qui consiste à souligner leur part croissante dans les économies développées qui auraient ainsi accédé à une ère postindustrielle. Les services représentent en effet jusqu'à 70 % des richesses produites (PIB) dans les pays développés, au point d’être considérés comme le principal moteur de leur croissance économique.
En fait, selon une lecture plus précise des phénomènes économiques, l’augmentation des services peut s’expliquer de deux façons : un effet volume et un effet prix.
Contrairement à l’habitude qui consiste à opposer secteurs productifs et secteur tertiaire – ce qui est abusif car les services font partie de la production –, une clarification s’impose : il faut distinguer les services qui sont indissociablement liés à la production et à la consommation de biens matériels et les services qui ont une existence autonome (éducation, santé, salon de coiffure, etc.).
Dans la première catégorie, on intègre les marges commerciales, qui apparaissent en fin de cycle de production, mais aussi une part importante de services comme les études, le design, la gestion financière, la formation du personnel, etc. Les marges commerciales en particulier sont tellement incorporées à la production de biens qu’elles apparaissent dans la comptabilité nationale sous forme de résidu (calculées par défaut).
Dans ce cas, la demande de services augmente au fur et à mesure qu’augmente la demande sur les biens. Dans l’autre, elle découle de l’augmentation de la quantité de services désirés par les consommateurs, en fonction de l’évolution des progrès de la médecine, de l’éducation, des modes de vie, etc.
Par ailleurs, suivant que les entreprises intègrent ou non une part importante de services ou qu’elles les externalisent, soit en les confiant à des sous-traitants, soit à leurs propres filiales, la composante services apparaîtra de façon indépendante dans les comptes nationaux. La croissance relative de la part des services constatée partout dans le monde est au moins partiellement le fruit de ce phénomène de spécialisation et d’externalisation.
Parallèlement à la croissance de la part des services, en volume, qui a diverses origines, en termes de prix, les évolutions sont liées à une distinction fondamentale entre biens et services : ces derniers sont dans l’ensemble nettement moins exposés à la concurrence internationale que les biens (à l’exception de certaines catégories de biens particulièrement lourds ou fragiles). Cette caractéristique des services est si forte que ceux d’entre eux qui sont devenus directement exportables, grâce au développement des moyens de communication, ont perdu l’appellation de services pour devenir des industries (du cinéma, des logiciels, etc.). Une autre catégorie de services est indirectement exportable à travers le déplacement de la demande : c’est le cas des activités liées au tourisme.
N’étant pas exposés à la concurrence internationale, les services font l’objet de différence de prix considérables entre économies, voire entre différentes régions d’un même pays où coexistent des différences socio-économiques importantes.
En règle générale, les prix des services non exportables se trouvent directement liés au pouvoir d’achat des consommateurs locaux. C’est la raison pour laquelle un coiffeur de quartier est beaucoup plus cher à New York qu’à Dakar alors qu’il offre approximativement le même service.
De fait, les gains de productivité sont limités pour la plupart de ces services peu transportables en raison de la nature des activités d’une part et, d’autre part, de l’étanchéité des marchés.
Ainsi, l’une des explications de la part importante des services dans les pays riches (en valeur) n’est autre que l’augmentation plus que proportionnelle de leurs prix qui est elle-même induite par une hausse du pouvoir d’achat liée aux gains de productivité des secteurs producteurs de biens ou de services échangeables (soumis à la concurrence internationale).
La baisse tendancielle des prix des biens et services échangeables est compensée par la hausse des prix des services non échangeables, ce qui explique la part croissante en valeur des services dans les économies des pays riches.
Un calcul destiné à corriger cet effet prix montre en effet qu’en volume la part des services dans le PIB est constante dans les pays riches, les pays émergents ou la Chine (autour de 72-74 %). Elle est en revanche plus élevée dans les pays pauvres.