De manière globale et théorique, les migrations en général et les migrations internationales en particulier devraient être collectivement bénéfiques en termes économiques, car elles permettent aux gens de se diriger vers là où ils seront plus productifs, accroissant ainsi la production de l’économie mondiale.
La qualité de la répartition de ces bénéfices entre les pays et les différentes catégories de population au sein de chaque pays est en revanche moins évidente. Il suffit de voir les récriminations des travailleurs non qualifiés ou peu qualifiés vivant dans les pays riches contre les “immigrés”, alors que les “patrons” de ces mêmes pays sont très heureux de les faire travailler à des conditions avantageuses pour eux.
Les déplacements de population posent problème dès lors que l’on réfléchit dans un cadre national. Or, c’est bien le cadre national qui s’impose à l’étude économique, car c’est à ce niveau que se décident les politiques économiques (monnaie, fiscalité et dépenses publiques, cadre légal des affaires, etc.).
La plupart des théories économiques sont fondées sur le fait que les économies nationales échangent des biens et des services, alors que les ressources sont relativement stables. Elles le sont globalement dans les pays développés, en dépit de la mondialisation qui a favorisé les mouvements de capitaux et de personnes. Elles le sont beaucoup moins dans les pays en voie de développement, où le phénomène de l’émigration est parfois massif. Le départ ne résulte alors plus seulement d’un choix volontaire individuel motivé, il est le fruit du choix collectif d’un groupe d'individus, souvent une famille, qui avance l'argent nécessaire pour payer les coûts de la migration (visa, passeport, transports, installation…). Dans certains cas, l’investissement est même très réfléchi, puisqu’il commence par l’école et l’université, afin d’assurer un avenir au futur émigrant.
L’idée de base des théories du commerce international est que le commerce international est un “substitut” à la mobilité des facteurs ; de façon corollaire, les entraves au commerce augmentent les flux migratoires, et réciproquement. Si l’on considère que les pays du Sud sont abondamment dotés en facteur travail, la théorie veut donc qu’ils exportent des marchandises dont la production nécessite du travail intensif et qu’ils importent des marchandises à base intensive de capital. Une augmentation des entraves à la “liberté du commerce” dans les pays du Sud provoque une hausse des prix des biens substituables aux produits d’importation, une meilleure rémunération du capital domestique et une diminution de la rémunération du travail, d’où un surplus d’émigration. Parallèlement, une augmentation des entraves à la “liberté du commerce” dans les pays du Nord réduit le prix des produits d’exportation du Sud, ce qui fait baisser la rémunération du travail, d’où encore un surplus d’émigration.
Du point de vue des pays du Sud, s’il y a des avantages à l’émigration d’un certain pourcentage de travailleurs non qualifiés durant les périodes de forte croissance démographique (atténuation des tensions sociales, acquisition de know-how chez ceux qui reviennent au pays, transferts des émigrés à leurs familles qui s’en servent pour éduquer les enfants et atténuer la pauvreté, etc.), il en va tout autrement quand l’émigration touche des jeunes qualifiés dont la formation a été particulièrement coûteuse. Certains pays pauvres perdent ainsi une très grande proportion de leurs diplômés (Jamaïque 85 %, Guyane 85 % et plus de 50 % au Liban dans beaucoup de disciplines scientifiques et techniques).
Les pays riches se mettent d’ailleurs à organiser systématiquement leur “immigration” pour la concentrer sur les jeunes qualifiés des pays pauvres. Dire que l’émigration est compensée par les transferts n’est qu’une vision bien réductrice de ce phénomène complexe.