Un mot résonne particulièrement dans les analyses médiatiques des élections qui se succèdent dans les grandes nations occidentales : populisme. Sa résurgence dans des sociétés censées avoir été policées par la démocratie fait frémir. Le terme est utilisé pour dénoncer la façon dont certains leaders en appellent au peuple pour se faire élire en court-circuitant les élites, voire en les dénonçant. En réalité, il ne faut tout de même pas l’oublier, ce n’est pas honteux en soi de vouloir plaire au peuple ; c’est même le propre de la démocratie. Mais ce qui distingue un candidat ou un leader populiste, c’est cette forme de déviance qui consiste à s’affranchir des raisonnements pour manipuler les sentiments, en jouant sur les instincts les plus bas − comme la peur de l’étranger par exemple. Un mode opératoire que les chefs politiques libanais ont fait leur depuis des années, jusqu’à la caricature. Sauf que leur peuple à eux est constitué en communautés. Et ce sont les peurs ou les rancœurs identitaires qu’ils manipulent pour segmenter la société et empêcher les Libanais de s’interroger sur leurs intérêts communs, transversaux. Quoi de plus terrible en effet que la menace de la violence pour un pays qui a connu de longues années de guerre ; quoi de plus effrayant que la menace d’extermination. Rien ne sert de nier ces dangers, car cela ne ferait que renforcer ceux qui les exacerbent jusqu’à la nausée. Le vrai défi consiste plutôt à les regarder en face pour tenter d’apporter des solutions. En misant sur l’intelligence des citoyens plutôt que leurs tripes, même à l’heure du triomphe de la communication et des réseaux sociaux. Le contraire reviendrait à jeter aux orties tous les acquis de la Révolution française et le rationalisme des lumières.