Chaque pays a ses mythes. Le secret bancaire est l’un des mieux ancrés dans l’imaginaire constitutif du Liban. Il s’inscrit dans la métaphore – éculée – faisant de lui la Suisse du Moyen-Orient. Ce régime spécifique serait la raison de sa prospérité relative. Sauf que, comme tous les mythes, il ne repose pas forcément sur la réalité. La glorification du secret bancaire a une fonction. Toute personne soucieuse de réfléchir à l’avenir du Liban aurait pourtant intérêt à en comprendre les enjeux plutôt que de reproduire inlassablement les mêmes discours. Car les circonstances qui ont conduit à l’adoption du secret bancaire en 1956 ont complètement changé d’une part. Et, d’autre part, les objectifs affichés par le législateur de l’époque n’ont de toute évidence pas été atteints. Qui a réellement bénéficié du secret bancaire libanais qui est l’un des plus restrictifs au monde ? A-t-il vraiment servi l’économie libanaise ? À quoi ont été employés les capitaux attirés par les avantages de ce secret ? N’est-il pas l’un des instruments principaux de l’affaiblissement de l’État, privé par sa faute, de précieuses ressources fiscales ? Le débat n’a jamais été lancé. Il est tabou. Et c’est, comme dans beaucoup de domaines, parce qu’il est désormais remis en cause de l’extérieur, que ce pilier du modèle économique libanais est ébranlé. Mais il ne s’agit pour l’instant que d’une brèche : avec l’adhésion du Liban à la nouvelle norme mondiale d’échange automatique d’informations fiscales, le voile est essentiellement levé sur les comptes logés au Liban appartenant à des étrangers ou aux expatriés. Pour les résidents au Liban, le secret demeure. Il continue de faire barrage entre les détenteurs de capitaux financiers et le fisc libanais, mais aussi, par exemple, entre membres d’une même famille souhaitant contrevenir aux règles du droit des successions. Doit-on persister à s’y accrocher ou au contraire profiter de cette évolution imposée de l’extérieur pour se demander si l’on doit maintenir ou revoir une législation datant d’il y a exactement soixante ans ? Le Commerce du Levant consacre un premier dossier à ce débat qu’on aimerait plus large.