L’économiste français et professeur à l’ESCP Europe, Jean-Marc Daniel, était l’invité du 50e petit déjeuner du management organisé par l’ESA et la SGBL. Responsable de l’enseignement d’économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également chroniqueur au journal Le Monde, sur BFM Business, et directeur de la revue Sociétal.

Jean-Marc Daniel est économiste français et professeur à l’ESCP Europe.
Jean-Marc Daniel est économiste français et professeur à l’ESCP Europe. D.R.
Vous insistez sur l’importance de la forte chute des cours mondiaux de pétrole amorcée à la mi-2014. Sera-t-elle durable à votre avis ?
Oui, pour deux raisons principales. D’abord, le passage graduel de la première puissance économique mondiale du statut d’importateur net d’hydrocarbures vers celui d’exportateur net. La dépendance des États-Unis à l’égard des ressources étrangères a longtemps alimenté la spirale haussière des prix. À cela s’ajoute la baisse du coût de production du pétrole américain. À Dakota, par exemple, il varie entre 35 et 40 dollars.  Ensuite, l’enjeu énergétique de nos sociétés actuelles est de satisfaire la demande croissante en électricité tout en minimisant le recours aux sources fossiles. Ces facteurs combinés font que le prix du pétrole a vocation à rester durablement bas, aux alentours de 50 dollars. Les perspectives d’un baril à plus de 100 dollars sont désormais derrière nous. Nous sommes désormais entrés dans une ère du contre-choc pétrolier.

Quels en sont les principaux gagnants et perdants ?
Il faut distinguer trois catégories d’agents : les pays importateurs, les États exportateurs et les compagnies pétrolières. Les pays importateurs, comme le Japon, les pays européens et certains pays émergents, sont, sans doute, les grands gagnants. Quant à l’impact sur les États exportateurs, il dépend largement de leur structure fiscale ; aux États-Unis ou en Norvège, par exemple, les sources de revenus sont assez variées, ce qui limite les retombées négatives. En revanche pour d’autres pays, dont la palette fiscale est peu diversifiée, les conséquences sur l’équilibre financier se feront assez lourdement sentir. C’est le cas, parmi d’autres, de l’Arabie saoudite, de l’Algérie, du Venezuela et de la Russie. Enfin, les compagnies pétrolières seront, bien entendu, affectées négativement. Mais celles-ci investissent déjà depuis plusieurs années dans le développement de nouvelles activités, telles que les énergies renouvelables, la gestion énergétique etc.

Quelles conséquences sur les marchés ?
Outre le contre-choc pétrolier, le monde vit désormais une période de déflation avec comme première conséquence des taux d’intérêt réels négatifs. Les banques centrales vont, de ce fait, s’orienter progressivement vers une hausse des taux, comme cela est déjà le cas aux États-Unis et au Japon. Celle-ci fera baisser la valeur des obligations, incitant, par ailleurs, les entreprises à s’autofinancer à travers leurs fonds propres, ce qui est de nature à dynamiser le marché boursier. À cela s’ajoute l’accroissement des fonds de pension, reflet du vieillissement de la population, notamment en Europe, qui devrait également doper l’activité des places boursières de manière générale. 
En revanche, les perspectives sont moins optimistes pour les marchés asiatiques. Au Japon, par exemple, les gains engrangés par les investisseurs en yen, reconvertis en dollar, ne sont pas à la hauteur de ce qu’ils pouvaient espérer. C’est ce qui explique, en partie, la forte baisse de la Bourse de Tokyo au cours des derniers mois.

Quelles seront les orientations des principales monnaies dans les mois à venir ?
Le yen ne devrait pas connaître d’évolution majeure, car sa dévaluation permet d’améliorer le pouvoir d’achat des épargnants en dollar, de plus en plus nombreux, et de dynamiser la consommation interne au Japon.  Les perspectives d’évolution de l’euro sont en revanche assez floues. L’excédent extérieur de la zone euro exerce une pression à la hausse, tempérée toutefois par des anticipations mitigées sur la pérennité même de la zone ainsi qu’une politique de taux d’intérêt très bas.