La flambée des marchés boursiers, notamment américains, après l’élection de Donald Trump, a suscité fin 2016 des craintes quant à un mouvement violent de “grande rotation” des actifs au détriment des obligations, qui provoqueraient un “krach obligataire” en 2017, après un cycle haussier ayant duré trois décennies. Aux États-Unis, les investisseurs ont retiré 10,7 milliards de dollars des fonds obligataires américains dans les deux semaines qui ont suivi la victoire de Trump, tandis que sur le seul mois de novembre dernier, la capitalisation obligataire mondiale se contractait de 1 700 milliards de dollars, alors que celle du marché boursier s’amplifiait de 635 milliards de dollars. L’indice phare des marchés, le Bloomberg Barclays Global Aggregate Total Return, qui inclut des obligations d’État et d’entreprises de tous horizons, connaissait, en parallèle, sa plus forte chute depuis sa création en 1990.
Les marchés craignaient notamment que des mesures de relance budgétaire − promises par le nouveau locataire de la Maison-Blanche – ne provoquent une hausse de la croissance et de l’inflation, et n’incitent les entreprises à investir davantage, engendrant ainsi un cycle particulièrement défavorable aux obligations.
Les craintes d’un éclatement de la “bulle” obligataire se sont toutefois progressivement apaisées en raison des incertitudes concernant l’application de la nouvelle politique budgétaire, et la poursuite de rachats d’obligations par la BCE. 
« Avec la baisse des tensions géopolitiques et les résultats de l’élection présidentielle, les marchés se sont même considérablement appréciés en avril », précise Christina Azouri, conseillère en placements à la CA Indosuez Switzerland. « Nous sommes conscients toutefois que les marchés de crédit se sont renchéris et sont par conséquent moins attrayants, ce qui nous pousse à plus de prudence », ajoute-t-elle.
Si à court terme, des opportunités de placement existent encore, les perspectives sont, en effet, moins alléchantes à long terme, une correction du marché obligataire paraissant inévitable. Si Donald Trump met à exécution l’intégralité de son programme, la phase baissière pourrait même durer très longtemps.
Par ailleurs, et à l’instar du marché boursier, l’obligataire se caractérise par une fracture États-Unis/Europe marquée par une évolution à deux vitesses de leurs marchés respectifs. « La Fed a maintenu le taux sur les fonds fédéraux à 0,75-1 %, mais n’a pas donné d’indication quant à sa politique de réinvestissement de son bilan. Par ailleurs, sur le plan macroéconomique, la légère contraction de l’inflation a déçu les marchés et provoqué une baisse de la courbe des taux », explique la spécialiste.
Quant à l’Europe, la hausse de l’inflation, couplée à des déclarations officielles sur l’absence de toute hausse des taux avant la fin du Quantitative Easing en septembre prochain, voire au-delà, ont conforté le marché obligataire. Le Crédit Agricole Suisse ne prévoit même aucune hausse avant la fin de l’année 2018, tandis que « la réduction du bilan ne devrait pas intervenir avant 2019 (…). À court terme, le Bund (référence du marché obligataire européen, NDLR) devrait rebondir à 50 points de base et atteindre 75 à 80 points, d’ici à la fin de l’année », précise Christina Azouri.
La banque privilégie ainsi les titres américains appartenant à la catégorie dite “Investment Grade”, moins vulnérable, aux obligations “High Yield” (plutôt spéculatives) et inversement sur les marchés obligataires européen et asiatique. 
« Nous conseillons d’investir dans les fonds de dette seniors des pays industriels qui permettent de générer un rendement de 4 à 5 % », précise, de son côté, Georges Abboud, directeur de la banque privée à la BlomInvest.
Quand à la FFA Private Bank, elle privilégie les obligations d’entreprise à haut rendement (“High Yield”) ainsi que la dette des marchés émergents. « Nous conseillons, en parallèle, à nos clients intéressés par l’obligataire d’inclure dans leurs portefeuilles des actions ainsi que des matières premières et de l’immobilier pour se protéger contre un environnement désormais enclin à la hausse des prix, avec le déclin des perspectives déflationnistes », ajoute Nadim Kabbara, directeur du département de FFA Private Bank. « Aujourd’hui, il est d’autant plus judicieux de faire du hedging pour son capital que de chercher uniquement à le faire croître », vu les nombreuses variables sur le marché, conclut-il.