Pour la première fois dans l’histoire contemporaine du Liban, un groupe de pression en faveur d’une économie fédératrice et d’un projet socioéconomique commun voit le jour. Fondé en avril 2012 par des hommes et des femmes d’affaires ayant réussi dans divers secteurs, le Civic Influence Hub (CIH), enregistré légalement comme une association à but non lucratif, a pour objectif de « fédérer les Libanais autour de projets socioéconomiques à travers lesquels ils ont un intérêt commun », souligne son directeur exécutif, Ziad el Sayegh. « Nous souffrons de nombreux blocages politiques au Liban. Les divisions empêchent même les Libanais de se mettre d’accord sur les projets qui bénéficient à l’ensemble de la société, toutes communautés confondues. »
Le groupe de pression, conçu selon une structure horizontale dépourvue de président, s’est fixé trois objectifs majeurs à moyen terme : renforcer le rôle de la société civile et la faire passer du statut de « spectateur » à celui d’« acteur » dans l’élaboration des politiques nationales ; dynamiser les partenariats public-privé à travers des projets concrets, « avec ou sans l’adoption de la loi cadre » ; mettre en place des projets socioéconomiques quinquennaux dans divers domaines dont l’eau, l’énergie, le transport et l’environnement.
« Nous ne cherchons ni à remplacer l’Etat ni la classe politique mais à proposer des projets et des solutions concrètes et à exercer une pression pour faire avancer les choses », souligne Ziad el-Sayegh.
Le Civic Influence Hub se propose également de surveiller l’action et de dénoncer les erreurs ou le laxisme des autorités, sur le modèle des gouvernements de l’ombre dans certains pays occidentaux.
La principale nouveauté, c’est que ce nouveau lobby, se donne les moyens financiers de sa politique. Chaque membre fondateur ou nouvel adhérent verse une contribution initiale de 50.000 dollars, renouvelée chaque année à hauteur de 10.000 dollars. « Nous ne voulons pas dépendre de fonds extérieurs. Notre but est de préserver notre indépendance et notre impartialité », souligne Ziad el-Sayegh. Le conseil d’administration, composé d’une trentaine de membres, a déjà versé plus de 1,5 million de dollars. Parmi eux, des hommes et des femmes d’affaires de renom : Raymond Audi, Antoine Wakim, Youssef Abillama, Myrna Boustany, Faycal Al Khalil, Fahed Saccal, Assad Rizk, Elie Gebrayel, Wafa Saab, Farid Chehab, Nayla Kettaneh Kunig et Hachem Koussa.    
 
Le Blue Gold, un premier projet pilote
Le premier projet quinquennal proposé par le groupe concerne les ressources hydrauliques. Baptisé « Blue Gold », ce plan qui a nécessité un an et demi de travail et mobilisé 40 experts et 35 comités consultatifs vise à optimiser l’exploitation des ressources dont dispose le pays. « Le déficit hydraulique est de 73 millions de m3 en 2011 et devrait atteindre 876 millions de m3 en 2020 si aucune réforme n’a lieu. » Avec uniquement deux barrages construits depuis l’Indépendance (Qara’oun et Chabrouh), d’une capacité globale de 228 millions de m3, le Liban « n’exploite à l’heure actuelle que 17% de son potentiel. Notre objectif est de pouvoir satisfaire une demande locale croissante et de générer un surplus de 500 millions de m3 en 2020 », affirme Ziad el-Sayegh.
Le plan, étalé sur cinq ans, porte, entre autres, sur la construction de 16 barrages, l’emmagasinage de l’eau sur les toits d’immeubles et la réduction du gaspillage hydraulique dans le secteur agricole. Son coût s’élève à cinq milliards de dollars, financés totalement par le secteur privé et la société civile, sans que le secteur ne soit privatisé. « La structure de financement envisagée est largement participative. Elle permet aux citoyens d’acheter des actions et de bénéficier d’un rendement annuel de 12,5% par an », précise Ziad el-Sayegh.        
« Blue Gold » devrait en outre créer quelque 3 000 emplois et réduire la facture d'eau annuelle payée par les citoyens de 700 à 380 dollars.
Le Civic Influence Hub est en négociations avec le ministère de l’Energie et de l’Eau pour revoir la stratégie nationale adoptée par le Conseil des ministres en 2012. « Le plan du gouvernement est étalé sur huit ans et prévoit la construction de 44 barrages, pour un coût total de 7,3 milliards de dollars, financés par le gouvernement ainsi que des prêts. Il risque de creuser davantage le déficit public et la dette alors qu’il prévoit seulement d’équilibrer l’offre et la demande hydraulique en 2020 », précise Ziad el-Sayegh. « Nous travaillons à une matrice qui nous permettra de repérer les points de convergence et de divergence entre notre projet et celui de l’Etat. Notre but est d’aboutir à des résultats concrets. »