Déterminée à revenir dans le peloton de tête du transport aérien, la compagnie française a investi plusieurs centaines de millions de dollars dans la rénovation tous azimuts des cabines d’une grande partie de sa flotte long-courrier. Focus sur une stratégie de reconquête par la qualité d’un marché toujours plus concurrentiel qui devrait également concerner une partie des vols desservant Beyrouth.

Les chiffres donnent le vertige : les quatorze jours de grève (le record précédent était de 10 jours en 1998) menés en septembre par la majorité des pilotes d’Air France pour protester contre les modalités de développement de la compagnie “low-cost” du groupe Air France-KLM ont entraîné des pertes d’exploitation estimées entre 320 et 350 millions d’euros par sa direction. Et les turbulences n’auront pas été que pécuniaires, puisqu’elles ont éclipsé également le point d’orgue des célébrations des quatre-vingts ans de la compagnie hexagonale. Hasard (ou non) du calendrier, les syndicats ont entamé leur mouvement à la date choisie par Air France pour présenter au grand public les toutes nouvelles cabines choisies pour équiper l’essentiel de sa flotte long-courrier dans une aile du Grand Palais de Paris. Un écrin à la taille des ambitions de l’opération : ce sont plus de 500 millions d’euros qui ont été investis par la compagnie pour réaménager les cabines d’une grande partie de sa flotte long-courrier, datant pour la plupart de 2009. « C’est la première fois que nous nous engageons dans une rénovation aussi importante des quatre classes de service. Et ce sans augmentation des prix des billets », commente Tjalling Smit, vice-président pour la zone Moyen-Orient et Inde du groupe Air France-KLM.

Un marché centré sur la qualité

Baptisée “Best & Beyond”, cette stratégie de montée en gamme généralisée constitue le volet commercial de “Transform 2015”, le plan de restructuration triennal lancé par la compagnie française en 2012 pour alléger sa dette et redevenir profitable. Caractérisé notamment par un plan de départs volontaires supprimant environ 8 000 postes en trois ans et une série d’économies d’échelle, ce projet devait permettre à la compagnie d’espérer renouer avec les bénéfices – avant le déclenchement du mouvement social de septembre – après six années de pertes consécutives (elles s’élevaient à environ 174 millions d’euros en 2013). Au-delà de la maîtrise des coûts d’exploitation, il s’agit également de générer davantage de recettes sur un segment fonctionnant à rebours de la tendance observée sur les court et moyen-courriers, où la concurrence des compagnies “low-cost” entraîne une course effrénée à la baisse des prix. Le long-courrier est en effet impacté par les nouveaux standards de qualité imposés par les géants que sont devenues les compagnies du Golfe (Emirates, Etihad et Qatar Airways). Ces derniers bénéficient par ailleurs d'une structure de coûts inférieure voire de facilités liées à leur actionnariat étatique.
« Face à ce défi de compétitivité et de qualité, “Best and Beyond” doit nous permettre de nous repositionner au meilleur niveau, tant sur le produit que dans la relation avec le client », explique Patrick Alexandre, directeur général commercial d’Air France-KLM.
Côté produit, la montée en gamme prévoit donc dans un premier temps la rénovation de l’ensemble des classes de service sur 44 Boeing 777 (soit 41 % de sa flotte long-courrier) entre juin 2014 et fin 2016. Un calendrier justifié par l’ampleur des travaux : il faut compter environ une semaine d’immobilisation au sol par appareil. « La conception des sièges a été retouchée plusieurs fois avec l’aide des remarques de passagers témoins », ajoute Tjalling Smit. Bonne nouvelle pour les Libanais, nonobstant quatre heures et demi de croisière qui placent la destination libanaise en deçà du seuil théorique définissant les long-courriers (cinq à six heures selon les compagnies), « les Boeing 777 desservant Beyrouth seront aussi concernés, comme pour Dubaï, car il s’agit d’une clientèle diversifiée qui aime avoir un large choix en termes de prestations à bord », confie Patrick Alexandre. Pour la capitale libanaise, le premier appareil rénové devrait s’envoler dans le courant de l’été prochain.

Des sièges affaires à 100 000 euros pièce

Les innovations les plus notables de cette montée en gamme se situent à l’avant de l’appareil, là où se situe le cœur de la bataille de prestige que se livrent les compagnies. La rénovation de la première classe, qui a absorbé environ 10 % de l’investissement total et ne concerne que 19 appareils, tente de promouvoir « une suite haute couture » (voir encadré) selon les termes de la compagnie pour répondre aux exigences d’une clientèle prête à débourser plus d’une dizaine de milliers de dollars en moyenne pour un vol aller-retour. Cette nouvelle mouture, qui ne comptera plus que quatre sièges (contre huit actuellement), renforce le caractère élitiste de cette gamme tout en améliorant une rentabilité affaiblie par un taux d’occupation nettement inférieur aux 83,3 % affichés en moyenne sur l’ensemble de la flotte commerciale de la compagnie.
Classe stratégique, la “Business” n’est pas en reste pour séduire sa clientèle qui représente près d’un tiers du chiffre d’affaires long-courrier pour seulement 11 % des passagers. Air France a donc investi 200 millions d’euros dans l'amélioration de cette seule classe, soit 40 % du budget total de la rénovation. Chacun des sièges conçus par le prestataire Zodiac (voir encadré) coûte 55 000 euros. Une facture portée à 100 000 euros en incluant les coûts annexes représentés notamment par les accessoires et le coût unitaire d’immobilisation. Plus volumineuses (d’environ 15 %), les places seront également moins nombreuses : chaque rangée comportera désormais quatre sièges contre sept actuellement. Pour gagner en rentabilité et s’adapter à la demande, ces sièges sont également démontables afin de pouvoir accroître le nombre de places “Economy” en période estivale.

La classe à la française

Les passagers des classes arrière bénéficient également de certaines améliorations en termes de place, de confort des finitions et de variété des équipements à bord (voir encadré). Le budget affecté à la rénovation de cette classe est, lui, d’environ 235 millions d’euros. Une rénovation qui touche aussi sa cadette de la “Premium Economy”, une catégorie intermédiaire lancée en 2009 afin d'enrayer le transfert de la classe affaires vers la classe économique observé pendant la crise. « Mais depuis, ce sont les passagers venus de l’“Economy” qui sont majoritaires sur cette classe », tient à préciser Tjalling Smit. Outre un confort amélioré, ce petit “club” de trois rangées de sièges se distingue notamment par un écran légèrement plus grand et des prestations inspirées de la classe affaires (reprise de certains ingrédients pour les entrées et desserts, trousses de voyages offertes…).
Le renouvellement ne concerne pas seulement les produits : comme ses concurrentes, la compagnie tricolore a planché sur l’amélioration de la qualité du service, et ce pour l’ensemble de ses 107 appareils long-courriers. Avec un leitmotiv : miser sur ses racines françaises tout en s’adaptant localement à certains marchés. La promotion permanente de “l’esprit français” est notamment symbolisée par le recours aux prestations de chefs étoilés pour la conception des menus des classes avant ou à des grands noms de la mode pour la conception des uniformes et de certains accessoires. Tandis que la localisation des services a commandé l’introduction de sous-titres en arabe pour les programmes diffusés dans les appareils desservant le Moyen-Orient. La rénovation des salons business et des prestations au sol pour les premières classes figure également au programme.
Et la course à la remontée en gamme n’en est qu’à ses débuts. Alors que son premier 777 réaménagé a été déployé sur la ligne Paris-New York, Air France songe désormais à compléter son investissement initial de quelques centaines de millions de dollars supplémentaires pour rééquiper également certains de ses Airbus A330 et des A380.


À l’invitation d’Air France.

Principales innovations par classe

Economy

- Espace accru pour les jambes (+2,5 cm au niveau des genoux).

- Mousses ergonomiques et accoudoirs totalement relevables.

- Nouveaux équipements de rangement : tablette agrandie et accroche-casque.

- Deux prises électriques par rangée.

- Écran tactile HD (9’) avec port USB intégré.

Business

- Fauteuil transformable en couchage (196 x 68 cm) inclinable à 180°.

- Structure en “cocon rigide” isolant des autres sièges.

- Accès direct à l’allée pour chaque siège (y compris quand la table est dressée).

- Écran tactile HD (16’), télécommande avec fonction téléphone et casque audio réducteur de bruit.

- Espace de rangement privatif.

Première

- Mini-suite de 3 m2 comprenant un lit totalement plat de 201 x 77 cm.

- Fauteuil ergonomique à assise plus large (57 cm).

- Large table (60 cm) et fauteuil ottoman pour dîner à deux.

- Isolation et rangement : cloison relevable, rideaux ajustables, hublots électriques, espace vestiaire intégré.

- Écran tactile HD (24’), télécommande avec fonction téléphone et casque audio réducteur de bruit.