Médine, juin 632. Sous le soleil de plomb de l’Arabie, le temps semble s’être figé : Mahomet a rendu son dernier souffle. Autour de lui, les fidèles tremblent, persuadés que l’apocalypse est pour demain. Qui sera son successeur ? En aura-t-il un seulement ? Où sont ses compagnons ? Et pourquoi son corps n’est-il pas encore enterré ? “Les derniers jours de Muhammad” de Hela Ouardi, spécialiste de littérature française (sic), rattachée à l’Institut supérieur de science humaine al-Manar de Tunis, nous plonge dans une enquête captivante sur un sujet hautement sensible : la mort puis la succession du prophète de l’islam alors que celui-ci possédait un pouvoir immense et une fortune colossale. Puisant ses sources dans le Coran, les “Hadith” ou la tradition chiite et sunnite, l’auteur saisit Mahomet dans sa pleine humanité, pour le rendre ainsi à une certaine “vérité historique”, celle d’un homme menacé de toutes parts, affaibli par les rivalités internes et par les ennemis nés de ses conquêtes. Hela Ouardi nous le montre en homme seul et isolé parmi les siens, victime de plusieurs tentatives d’assassinats. Faute de directives claires quant à sa succession, ses compagnons s’engagent dans une lutte sans merci pour le pouvoir, une guerre qui ensanglante encore notre monde. Mais l’universitaire tunisienne répond aussi à deux questions essentielles : qui sont les hommes qui, après la mort de Mahomet, ont transformé ce qui n’était qu’une doctrine eschatologique en une religion universelle ? Comment le conflit entre sunnites (qui prennent le parti d’Omar et d’Abou Bakr) et chiites (qui se retrouvent derrière Ali) a-t-il démarré ? Si Hela Ouardi semble donner raison à Ali dans sa légitimité à revendiquer l’héritage, la chercheuse montre le gendre et cousin du prophète comme un homme de peu d’envergure intellectuelle. Chemin faisant, le livre réserve aussi quelques jolies surprises comme la disparition de certaines sourates (ou l’apparition de nouvelles) au gré des besoins du prophète (ou de ses compagnons).
“Les derniers jours de Muhammad”, Hela Ouardi, Albin Michel, 20 dollars.