C’est une véritable mini-rétrospective que le Beirut Exhibition Center (BEC), associé à la Fondation Cittadellarte, la galerie Continua et la galerie Tanit, consacre à Michelangelo Pistoletto, ce très grand artiste italien, né en 1933. Naila Kettaneh-Kunig, la commissaire de l’exposition, suit cette figure de la scène internationale depuis le début des années 1980, lorsqu’il intègre l’Arte Povera, ce courant “révolutionnaire” qui entendait porter les questions sociales au cœur de l’art. À Beyrouth, pour la première fois, Naila Kettaneh-Kunig a réuni certaines des œuvres les plus significatives de Michelangelo Pistolleto. L’expo démarre ainsi avec ses “tableaux-miroirs”, qui l’ont rendu célèbre dans les années 1960 : l’artiste imprime une image sérigraphiée, ici un groupe de manifestants, sur une plaque d’inox poli. Quand le spectateur se place devant, son reflet entre de manière automatique dans le groupe de manifestants, dont il devient l’un des acteurs. « Je cherchais à l’époque à sortir du drame de la peinture existentielle, à la façon de Bacon, qui était dominante dans les années 1950 », explique l’artiste dans un entretien accordé à France Culture en 2013, à l’occasion de l’exposition qui lui était consacrée au musée du Louvre. N’allez pourtant pas croire que son œuvre tient du tour de passe-passe. Si son regard se veut souvent ludique, l’artiste se fait aussi l’interprète des grands enjeux de nos sociétés. Sa “Vénus aux chiffons”, par exemple, exposée ici, est une sculpture de marbre blanc d’un classicisme bon teint… Étrangement enfouie sous un amas de haillons aux couleurs criardes. Cette œuvre, sans doute la plus célèbre de l’artiste, Pistolleto la désigne souvent comme son « icône du recyclage ». Manière de dire qu’elle traduit le danger qui menace notre monde, qui risque de périr enseveli sous ses déchets. À moins qu’il n’interroge la nudité, longtemps surexploitée, désormais quasi interdite au nom d’un néopuritanisme dont les femmes font les frais. Ou qu’il ne rende hommage au monde ancien, aux maîtres de la Renaissance italienne et… en premier lieu à un autre Michelangelo.
Jusqu’au 11 janvier, Beirut Exhibition Center, Tél. 01/962000.