Il pourrait s’agir de “grands guerriers”, des golems dont leur créateur n’aurait pas achevé la forme. À moins qu’il ne s’agisse d’anciennes portes monumentales, vestiges de quelques temples primitifs, dont l’humanité n’aurait pas gardé la mémoire. Difficile d’en saisir le sens : au final, les sculptures de Simone Fattal, artiste libano-syrienne, qui aujourd’hui expose à la Galerie Tanit, se calent sur l’entre-deux, l’hésitation avant le basculement. Ce que l’écrivain Etel Adnan définit, dans son introduction au catalogue de l’exposition, comme « un surgissement, un mouvement, un mouvement essentiel, celui qui sépare l’espèce humaine du monde animal, qui lui est pourtant apparenté ». Même quand il ne s’agit que d’objets inertes, à l’image de ces sept boules de grès, posées au centre de l’exposition, leur signification semble encore nous échapper et vouloir se dédoubler. Après tout, ne serait-ce pas aussi la représentation d’une constellation stellaire d’un monde désormais oublié ? Simone Fattal écrase l’argile, étire la porcelaine ou malaxe la glaise pour voir éclore sous ses doigts des personnages dont les formes archaïques se veulent le lien entre ce monde d’aujourd’hui et les temps anciens, engloutis. « Mes personnages continuent à être le lien entre notre situation actuelle et notre histoire. S’ils ont l’air de sortir de la plus haute Antiquité, c’est que cette histoire est la nôtre, et ce lien pour moi est indispensable. Je cherche à me placer dans cette ligne qui a commencé avec Sumer, et qui est ininterrompue jusqu’à aujourd’hui », explique-t-elle dans un entretien au magazine L’Agenda culturel. Certaines de ses sculptures sont également présentes dans l’exposition collective autour d’artistes arabes contemporains “Here and Elsewhere”, du New Museum de New York, jusqu’au 28 septembre 2014.
Galerie Tanit (Mar Mikhaël), jusqu’au 4 septembre, 03/257805