Le problème – Madame R., peintre, a exposé ses toiles en novembre dernier dans une galerie d’art dans le cadre d’une exposition collective. Ses œuvres ont eu beaucoup de succès et se sont relativement bien vendues. Elle vient de découvrir à sa grande surprise que l’une de ses toiles, achetée par une grande banque, a été reproduite sans son consentement sur les brochures, l’agenda et le calendrier de l’année 2017 de cet établissement. Elle aimerait savoir si l’achat de cette toile confère à la banque le droit de reproduire son œuvre sans son consentement.
Le conseil de l’avocat – En règle générale, le créateur d’une œuvre de l’esprit, telle que les œuvres littéraires, artistiques et musicales, est titulaire des droits d’auteur qui y sont rattachés. En effet, l’article 5 de la loi n° 75 du 3/4/1999 relative à la protection de la propriété littéraire et artistique dispose que « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif sans besoin de le mentionner, de se réserver un tel droit ou de procéder à une quelconque formalité ». Ainsi, quel que soit son genre – littéraire, musical, plastique, etc. –, sa forme d’expression – texte, enregistrement sonore, dessin, peinture, sculpture, gravure… –, son mérite – œuvre reconnue ou de peu d’importance – ou sa destination – esthétique, commerciale, industrielle –, l’œuvre de l’esprit est protégée au Liban par la loi du seul fait de sa création sans qu’il ne soit besoin de procéder à une quelconque formalité. Il en résulte que seul l’auteur a le droit de céder et d’exploiter matériellement son œuvre, ce qui inclut le droit exclusif de reproduire et de publier cette œuvre (article 15 de la loi  n° 75/1999 précitée). Or, la vente d’une toile porte sur le support matériel de cette toile ; celle-ci n’emporte pas la cession des droits d’auteur qui y sont rattachés, tels que le droit de reproduire la toile, à moins d’un accord contraire et exprès dans ce sens. En effet, la loi prévoit que tout contrat portant sur les droits intellectuels doit être interprété restrictivement, et que toute cession des droits d’auteur doit être limitée exclusivement à ces droits (article 19 de la loi précitée). Par ailleurs, tout contrat portant sur les droits d’auteur, notamment les actes d’exploitation et de disposition de ces droits, doit être explicite et écrit, sous peine de nullité. Ainsi, le consentement exprès et écrit de Madame R. était nécessaire pour la reproduction de la toile sur le matériel publicitaire de la banque, celui-ci ne pouvant être implicite. De plus, la loi exige que de tels contrats prévoient les détails des droits qui font l’objet du contrat, ainsi que la détermination dans le temps et l’espace du champ d’application du contrat. Si la durée du contrat n’est pas fixée, celui-ci est considéré de plein droit conclu pour une période de dix ans à partir de la date de la signature. Les contrats d’exploitation ou de cession des droits d’auteur doivent également accorder à l’auteur de l’œuvre une contrepartie financière (article 17 de la loi n° 75/1999). En cas de copie illicite des œuvres ou en cas de reproduction sans l’autorisation de l’auteur, comme dans le cas présent, ce dernier peut poursuivre les contrevenants en justice. Ainsi, Madame R. peut avoir recours au juge des référés afin de saisir les brochures, agendas et calendriers reproduisant son œuvre. Elle peut également poursuivre la banque (ou ses responsables) devant le tribunal compétent pour atteinte aux droits d’auteur et réclamer à celle-ci des dommages-intérêts (articles 81 à 97 de la loi n° 75/1999).

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