Dans un contexte économique difficile, tant pour le secteur de la distribution que pour l’immobilier, Alain Bejjani, le directeur général du conglomérat émirien Majid al-Futtaim, affiche son optimisme pour les activités du groupe au Liban.

Le groupe koweïtien de grande distribution, TSC, s’est retiré l’année dernière du Liban en invoquant une conjoncture difficile. La situation de Carrefour est-elle plus confortable ?

2017 a été une année de croissance et d’expansion pour l’enseigne du groupe, avec l’ouverture d’un deuxième magasin au Citymall, l’exercice a été profitable. Nous sommes très compétitifs sur le marché, grâce à nos volumes. Dans le secteur de la grande distribution, les trois facteurs de réussite sont la variété, le prix et l’expérience client. Pour développer cette expérience, nous allons déployer cette année une stratégie marketing omnicanale qui fait la part belle au numérique.  Les clients pourront ainsi faire leurs courses en ligne et les collecter en magasin. Nous allons aussi enrichir l’expérience dans les rayons avec la possibilité par exemple de scanner les produits pour collecter des informations supplémentaires. Cette stratégie contribuera à faire de Carrefour le numéro un au Liban en 2018, ou 2019 au plus tard. Mais les défis au niveau du numérique au Liban sont la livraison sur le dernier kilomètre et le paiement en ligne.

Au niveau des projets, nous prévoyons d’ouvrir un nouveau magasin à Waterfront City Dbayé en 2019 ou 2020, qui sera très différent des autres, et nous restons ouverts à d’éventuelles opportunités d’acquisition. Nous n’écartons pas non plus l’introduction de nouveaux concepts à moyen terme.  Le Liban n’est pas un marché simple – il reste dominé par les superettes de quartiers –, mais c’est un marché sur lequel nous continuons à croître.

Le Beirut City Center a-t-il été contraint de baisser ses loyers en 2017 pour s’adapter au ralentissement de l’activité commerciale ?

Les loyers ne sont qu’un des facteurs de rentabilité du secteur du retail. La fréquentation du Beirut City Center a doublé depuis son ouverture il y a six ans, et nous avons connu une croissance en 2017. Nous avons d'ailleurs acheté un terrain en face du centre commercial sur lequel nous allons développer un projet complémentaire. La tendance mondiale montre un passage de la distribution classique vers la distribution moderne, alors qu’au Liban le ratio d’espace de distribution moderne par habitant est encore très bas. Mais il y a aussi chez les consommateurs une volonté de revenir vers l’authenticité et une importante croissance accordée à “l’expérience d’achat” plus qu’au produit en lui-même. D’où l’intérêt, là encore, d’utiliser la technologie pour développer ce lien et enrichir l’expérience. 

Selon des études récentes, environ deux tiers des consommateurs choisissent les produits sur internet avant d’aller les acheter en magasin. Le  Beirut City Center va donc développer aussi une plate-forme numérique innovante, à la hauteur de la clientèle libanaise, qui est très sophistiquée, mais qui évolue dans un environnement encore très basique, avec des infrastructures défaillantes.

Qu’en est-il du projet immobilier du groupe, le Waterfront City Dbayé ?

Les ventes de ces deux dernières années n’ont peut-être pas été à la hauteur, mais dans l’immobilier l’activité est souvent cyclique. Notre objectif n’est pas de construire des villes fantômes, où personne n’habite. Le chantier progresse en fonction des ventes, il s’achèvera donc un peu plus tard que prévu, mais il sera intégralement mis en œuvre. À ce jour, près d’un tiers du projet a été construit, dont 80 à 85 % a été vendu. Environ 550 familles ont acheté, dont plus de 98 % sont des Libanais résidents ou émigrés, et une trentaine d’entre eux y réside actuellement.

Le groupe avait annoncé au total deux milliards de dollars d’investissements au Liban. Cette enveloppe est-elle toujours d’actualité ?

Nous avons investi déjà plus de 900 millions de dollars, et le reste suivra. Sur l’enveloppe globale, 1,2 milliard iront à l’immobilier et 800 millions de dollars au secteur de la distribution.