Début décembre, la Société générale de presse et d’édition (groupe L’Orient-Le Jour, actionnaire majoritaire du Commerce du Levant) a bouclé une augmentation de capital d’un montant de 1,2 million de dollars. Ce nouvel apport doit permettre au groupe, qui édite le quotidien L’Orient-Le Jour et le mensuel Le Commerce du Levant, de poursuivre sa transformation jusqu’en 2020. Entretien avec Michel Helou, directeur exécutif du groupe.

Michel Sayegh

Vous venez de procéder à une recapitalisation du groupe que vous dirigez. Pourquoi avoir réalisé cette nouvelle levée de fonds?

Comme toute la presse, nous passons par une phase difficile : dans le monde, les ventes des quotidiens papier subissent une lente érosion, concurrencés par l’information gratuite, disponible sur les réseaux sociaux. Les volumes publicitaires sont en baisse et le passage au digital n’apporte pas encore de revenus suffisants pour y suppléer. De fait, le groupe perd de l’argent depuis plusieurs années, et nous étions arrivés au bout de nos réserves. Cette levée de fonds de 1,2 million de dollars était nécessaire pour assurer la transition du groupe vers un modèle économique plus équilibré. Le tour de table était réservé aux actionnaires existants (principalement Michel Eddé, Choueiri Group, famille Pharaon, famille Rizk, NDLR) et 97 % de nos actionnaires y ont souscrit, preuve de la confiance qu’ils nous accordent. Mais notre but n’est pas de se faire renflouer en permanence. On pense avoir la capacité de revenir à l’équilibre à moyen terme. L’augmentation doit donc nous permettre de tenir environ 18 mois, afin de faire un bilan de notre stratégie en 2020, une époque où le groupe devrait bénéficier de perspectives financières plus saines.

Pour un quotidien, comment affronter la nouvelle donne?

Jusqu’en 2009-2010, la publicité représentait environ 55 % de nos revenus. Aujourd’hui, elle ne représente plus qu’environ 30 %. Il y a quelques mois, nous avons décidé d’augmenter le prix de vente de notre quotidien, passant de 2 000 à 3 000 livres libanaises (2 dollars), compensant largement ainsi la baisse de revenus dus à des ventes papier plus faibles. Désormais, l’un de nos objectifs est de diversifier notre modèle économique, en pariant notamment sur les abonnements numériques et le développement de nouveaux projets, ainsi que d’événements, à l’image du “Village préféré des Libanais”, pour enrichir notre offre publicitaire et fidéliser nos lecteurs.

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Comment faire pour atteindre cet objectif?

Il faut d’une part investir sur l’amélioration de notre contenu éditorial et d’autre part sur le marketing ou la technologie pour soutenir notre croissance. Ces dernières années, les abonnements en ligne ont augmenté plus vite que prévu, avec près de 40 % de croissance en volume sur 2018. Ils se répartissent désormais entre le Liban (50 %) et l’étranger (50 %). Grâce au digital, nous avons retrouvé une diffusion payante identique (papier et numérique) à celle que nous avions au début des années 2000. Mais les revenus générés par les abonnements digitaux ne permettent pas encore de compenser l’érosion des revenus papier (pub et ventes). Notre objectif est donc de maintenir une croissance soutenue pour les années à venir.

Est-ce une bonne chose que d’avoir 50 % de son audience numérique en provenance de l’étranger?

C’est même l’une de nos chances ! Ce sont ces Libanais de la diaspora que nous essayons de cibler à travers notre stratégie digitale. Nous devons mieux nous adresser à eux en leur proposant un contenu qui leur parle. Couvrir davantage d’événements, qui se déroulent dans leurs communautés d’expatriés, est l’une de nos pistes. Nous pensons en outre qu’il y a aussi un énorme potentiel en termes d’audience générale et, plus particulièrement, d’audience payante au Liban, dans la région et auprès de la diaspora. C’est pour cela aussi que nous commençons à proposer des articles traduits en anglais. Cette démarche nous permettra d’attirer un lectorat anglophone, libanais comme étranger. Pour l’instant, nous testons l’appétit pour cette version et dépendamment de celui-ci, nous déciderons d’accélérer ou pas son développement. À terme, notre vision est de devenir un groupe de presse multilingue de référence dans la région.