Trois questions à Neemat Frem, PDG du groupe industriel Indevco et député du Kesrouan

Neemat Frem, PDG d'Indevco et député du Kesrouan
Neemat Frem, PDG d'Indevco et député du Kesrouan

Quelles sont les difficultés auxquelles font face les industriels libanais aujourd’hui ?

Nous sommes face à une nouvelle donne de l’économie libanaise qui place les industriels libanais dans une situation des plus difficiles. On pourrait caractériser cette situation inédite par trois éléments. Le premier est le niveau record de la dette publique qui révèle un problème systémique inhérent à notre modèle économique et qui fait grimper les taux d’intérêt à des niveaux inégalés. Résultat, le coût du financement des industriels a plus que doublé en un an.

Le deuxième élément caractéristique est le manque de devise, qui commence à se faire sentir. Enfin, la dégradation de la note des obligations libanaises par les agences de notation a un impact sur les conditions d’attribution de crédits octroyés par les banques étrangères, ajoutant une pression supplémentaire sur les fonds de roulement des industriels. Rien n’a été fait pour prévenir cette situation. Aujourd’hui, il est devenu impératif de repenser tout le modèle économique du pays.

Dans ces conditions, quelles marges de manœuvre pour les industriels libanais ?

Face à cette nouvelle donne, les industriels libanais doivent faire preuve de créativité. Ils doivent d’abord renforcer leur bilan et prendre les mesures nécessaires pour gérer des potentielles situations d’endettement, dans un contexte où les taux d’intérêt ont explosé. Ils devraient aussi pousser les exportations, afin de créer des rentrées de devises suffisantes pour subvenir à leurs besoins. La baisse probable des importations au Liban dans les années à venir pourrait toutefois leur offrir des opportunités. Les industriels libanais doivent être prêts à relever les défis d’une substitution des importations par la production nationale.

Quel doit être, selon vous, le rôle de l’État?

Cela fait 15 ans que l’on favorise un système de rente. Il n’y a qu’à regarder le système fiscal. Un changement radical doit être entrepris et le rôle de l’État est très important. Nous sommes 19 au Parlement à être à la fois industriels et députés, et, à ce titre, nous travaillons en faveur d’une stratégie globale favorable à l’industrie nationale. Mais nous arrivons tard et la situation est très complexe.

Cependant, les difficultés qu’un groupe industriel comme Indevco a pu surmonter pendant la guerre montrent que l’on peut y arriver. Mais il faut créer un environnement favorable en investissant dans les infrastructures, et c’est là où CEDRE peut être très bénéfique pour l’industrie. Il faut aussi amortir la baisse de la compétitivité des produits libanais par la mise en place d’un cadre qui favorise l’économie productive, par exemple, grâce aux protections douanières.


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