Un article du Dossier

Immobilier Kfardebiane

Depuis 2008, les nouvelles constructions se sont enchaînées à un rythme impressionnant dans la région de Kfardebiane, près des pistes de ski, mais la demande n’a pas suivi dans la même proportion et, aujourd’hui, le stock de chalets peine toujours à s’écouler, sauf pour les petits budgets. Les projets les plus onéreux ont eux commencé à afficher des baisses de prix. État des lieux.

Voilà un signe qui ne trompe pas : plus de la moitié des chalets qui devaient être livrés en 2011 dans la région de Kfardebiane à proximité des pistes en sont toujours à la phase de finitions... et n’ont, pour la plupart, pas encore trouvé d’acquéreur. Sur les 650 unités en cours de construction dans la région recensées par Le Commerce du Levant au cours de son enquête, plus de 250 sont toujours sur le marché, soit environ 40 % d’invendues. « Dans le neuf, je n’ai aucune demande depuis plus d’un an, je me concentre sur le marché secondaire », explique ainsi Christian Baz, un agent immobilier actif dans la région. Dans la plupart des projets, les travaux ont pris six mois à un an de retard, les promoteurs ralentissant le rythme de construction en espérant une amélioration de la conjoncture. Et une petite dizaine de projets qui devaient être lancés dans la région en 2011 ont été ajournés. En cause, la frilosité de la demande dans la région depuis un an et demi, peut-être plus encore qu’ailleurs au Liban. L’achat d’une résidence secondaire à la montagne reste en effet un investissement qui n’est pas indispensable en temps de crise. Les acheteurs prennent le temps de comparer les produits et sont devenus exigeants sur l’emplacement et sur la qualité. « Nous sommes beaucoup plus attentifs aux finitions. Là où il y avait du carrelage au sol, nous installons du parquet, nous privilégions le marbre à la céramique pour les salles de bains et nous soignons davantage les jardins », explique Nasri Hanna, promoteur.  Si le climat politique n’incite pas à investir, ce sont surtout les tarifs élevés qui dissuadent les acheteurs. « Il faudra plusieurs années pour que les acheteurs assimilent les hausses de prix, le délai est encore trop court pour l’instant. La prochaine flambée des prix n’aura pas lieu avant dix ou quinze ans », pronostique Khalil Abboud, un autre promoteur actif dans la région. La majorité des produits sont affichés entre 500 000 et un million de dollars, alors que le budget des acheteurs se situe essentiellement entre 200 000 et 500 000 dollars. Là où les prix sont inférieurs à 3 000 dollars le m² avec des surfaces de moins de 200 m², les transactions vont bon train : à Tilal el-Assal, située à deux kilomètres des pistes, près de 50 unités ont par exemple été vendues en 2011. Dans une zone comme Tilal Faqra en revanche, aux portes de Faqra Club, où les prix du mètre carré varient en moyenne entre 3 000 et 4 000 dollars, avec de plus grandes surfaces, les ventes ont quasiment stagné, notamment dans les complexes résidentiels (Oakridge, Tilal Faqra, Faqra Hills).
L’année 2012 devrait permettre d’y voir plus clair, plus d’une vingtaine de projets devant être livrés d’ici à décembre 2012. Le produit fini se vend toujours plus facilement que le produit en cours de construction. « Il existe un grand point d’interrogation concernant l’acquisition des chalets livrables d’ici deux ans. Il faudra attendre pour savoir si ces biens ont été achetés dans un but purement spéculatif ou s’ils vont être occupés», estime Carlos Chad, le responsable des ventes immobilières à Faqra Club.

Correction des prix ?

Avec une offre nettement supérieure à la demande, tout semblait annoncer une correction des prix. Une demi-douzaine de projets arrivés à leur terme ou en phase terminale ont déjà affiché des baisses de 5 à 10 %, dans la tranche la plus élevée de 3 500 à 5 000 dollars le mètre carré. Bien sûr, la correction des tarifs dépend toujours de la solidité financière du promoteur (fonds propres ou emprunts à la banque, nombre de préventes réalisées), mais la tendance est nouvelle. « Les prix réels ont baissé de près de 20 % depuis juin 2010, même si ce n’est pas affiché comme tel. Et il existe facilement une différence de 10 % entre les prix présentés par les promoteurs et les prix auxquels se font les transactions », affirme pour sa part Jad Zogheib, consultant immobilier chez JSK Real Estate. La société qui a repris en charge la commercialisation de plusieurs projets dans la région a abaissé le prix au mètre carré de près de 20 %. Les promoteurs ont souvent acheté des terrains à des prix intéressants avant 2010, et le coût de construction, même s’il est 20 % plus élevé qu’à Beyrouth (1 200 à 1 500 dollars le m²), ne justifie pas à lui seul le maintien de tarifs aussi élevés, sauf peut-être dans certains emplacements spécifiques à Ouyoun el-Simane et Faqra Club, les régions les plus cotées. « Le problème, c’est que les promoteurs souhaitent toujours effectuer des marges de 50 à 100 % comme en 2009, alors qu’en présence de tout ce stock disponible ce n’est plus possible. Ils pourraient faire des marges brutes de 30 à 40 % et vendre beaucoup plus rapidement », explique encore Jad Zogheib. Les promoteurs ont aussi souvent tendance à gonfler leurs prix, en ne vendant pas seulement les surfaces intérieures, mais également les terrasses, les espaces de service et surtout les jardins – présents dans presque tous les projets – au tiers ou parfois à la moitié du prix du mètre carré habitable.

Quel avenir pour la région ?

Dans un contexte aussi morose, peut-on dire que la période de croissance immobilière est révolue à Kfardebiane ? L’appétit des promoteurs pour la région a clairement diminué. En 2011, le nombre de permis de construire octroyés par la municipalité dans l’entourage des pistes a diminué de 20 % et la tendance devrait se confirmer en 2012. « L’année 2010 est celle où nous avions délivré le plus de permis de construire, environ une centaine, essentiellement pour des projets commerciaux », explique Jean Akiki, président de la municipalité de Kfardebiane. Les prix des terrains ont parfois atteint des niveaux qui font sérieusement réfléchir avant de lancer de nouveaux projets. « Entre 2006 et 2010, il y a eu de la spéculation sur les terrains et le prix des parcelles a été multiplié par dix ou quinze. Mais les prix se sont stabilisés depuis le début de l’année 2011 », poursuit Jean Akiki. Dans des régions périphériques où les prix des terrains sont encore inférieurs à 1 000 dollars, de nouveaux projets devraient être lancés, notamment à Tilal el-Assal, Val de Neige, San Antonio ou même Qanat Bakiche.
L’activité immobilière dans la région prendra aussi d’autres formes, en particulier pour les gros projets : les promoteurs, qui ne sont pas assurés de faire des marges importantes en construisant eux-mêmes, revendent plutôt leurs terrains achetés à des prix intéressants, après avoir procédé au lotissement et à la réalisation d’infrastructures pour donner de la valeur au foncier. Ils vérifient ensuite que les unités construites seront conformes à certains standards architecturaux et assurent pour certains la gérance du projet. Les exemples ne manquent pas. Le groupe Mouawad qui devait par exemple construire sur plus de 3 000 m² les Silverocks Residence à l’intérieur du vaste projet Silver Rocks (voir plus loin) a préféré revendre ses terrains, car la demande foncière était beaucoup plus forte que pour le résidentiel. Mais le groupe construira toutes les infrastructures routières du projet et en assurera la gérance. La société Loft Investments, qui a construit les Snow Lofts dessinés par Bernard Khoury, est en train de lotir une zone de plus de 50 000 m², et vend toutes les parcelles près de Tilal el-Assal. Autre exemple, celui du projet du Plateau de Bakish, qui s’étend sur 220 000 m² à Qanat Bakiche : le terrain, acheté par le groupe Chekerdjian Estates and Development, a été divisé en une centaine de parcelles, qui seront vendues à des particuliers qui pourront choisir entre plusieurs types de prototypes de maison qu’ils feront installer sur leurs terrains... Là encore, le promoteur prend en charge la construction de toutes les infrastructures qui relient les différentes parcelles entre elles.
Autre tendance qui émerge avec le ralentissement des ventes dans le neuf : la construction de chalets destinés à la location. « Nous envisageons pour notre futur projet de construire un immeuble à la location, car la demande est forte », explique ainsi Alphonse Kai, l’un des propriétaires du projet Sud 22 près des ruines de Faqra. Le phénomène reste encore largement minoritaire, mais au moins quatre projets en cours de construction dans la région seront destinés à la location et non à la vente, avec près de 75 unités. Les chalets se louent en moyenne entre 10 000 et 35 000 dollars par an, selon l’emplacement et les superficies proposées. « Avec la hausse des prix des ventes dans le neuf, les acheteurs, en particulier les expatriés, ne sont plus prêts à débourser 500 000 dollars par an pour habiter dans un chalet deux mois. Il y a une forte demande pour la location et l’offre qui existe dans l’ancien n’est pas adaptée pour estiver », explique Michel Touma, qui finit de construire six chalets dans la région de San Antonio. Cependant, le taux de rendement locatif, autour de 5 à 6 % dans la région, est faible et la construction de tels projets ne semble envisageable que sur des terrains à bas prix ou loués à des wakfs sur des durées de 20 à 30 ans renouvelables. C’est le cas par exemple du projet Rweiss 1700, près du restaurant Chez Michel, où a commencé la construction de 72 chalets autour d’un mini-village sur un terrain appartenant au monastère syriaque-catholique. Une quinzaine de chalets ont déjà été achevés en 2011, et aussitôt loués, entre 25 000 et 30 000 dollars par an le mètre carré. Un indicateur qui démontre clairement que la demande est réceptive.

Arrêt momentané de plusieurs projets

Un certain nombre de projets en construction à Kfardebiane ont été arrêtés par les Forces de sécurité intérieure (FSI) de quelques jours à plusieurs semaines à partir de la fin du mois de septembre 2011. La loi prévoit en effet que des particuliers ou même la municipalité ont un “droit de regard” sur les constructions s’ils estiment que les règlements ne sont pas respectés. Une demande officielle est alors présentée au département régional d’urbanisme, qui mène son enquête. En cas de modifications des superficies de construction en cours de route, le projet peut être arrêté par les forces de l’ordre, même si la pratique veut en général que les modifications soient intégrées dans un permis différé à la fin des travaux (juste avant l’obtention du dernier permis, le permis d’occupation). Les projets à problèmes ont pu finalement reprendre leurs travaux, après avoir effectué des changements dans leurs permis.

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