Les salles de cinéma ont rouvert leurs portes ce mercredi après un an et demi de fermeture, dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. Des mesures sanitaires restent toutefois en vigueur: jauge réduite de moitié, distanciation physique d’un mètre et demi entre les spectateurs et port du masque.
La fermeture des salles ayant créé un «embouteillage de films», le public ne devrait toutefois pas manquer de choix. «Nous avons programmé la sortie de 4 à 5 films nouveau par semaine contre une moyenne de 3 ou 4 films par le passé», dit Carly Ramia Habis, directrice marketing de la chaîne Grand Cinemas, présente notamment dans les centres commerciaux de l’ABC Achrafié, Dbayé et Verdun.
Si la nouvelle suscite l’enthousiasme chez les cinéphiles, les interrogations sur la pérennité du secteur au Liban restent nombreuses. Entre inaction politique et instabilité économique, les cinémas sont en effet contraints de naviguer à vue.
Lire aussi : Les industries culturelles et créatives à l’agonie
À commencer par la tarification de la place, dont le prix de base a été fixé après concertation entre les différents exploitants aux alentours de 40.000 livres libanaises, soit près de trois dollars au marché noir, contre environ 15 dollars avant la crise. «Le prix a été décidé de manière arbitraire, cela aurait très bien pu être 30.000 LL comme 50.000 LL», explique Gino Haddad, PDG du groupe Empire Cinemas, qui exploite une dizaine de salles au Liban.
Alors que le pouvoir d’achat des Libanais s’effondre, «on a dû trouver un juste milieu afin que la place reste accessible pour les spectateurs», explique Carly Ramia Habis. «Le tarif aurait idéalement dû être fixé aux alentours de 120.000 LL pour couvrir nos frais», continue Gino Haddad. Car, alors que les recettes des cinémas sont désormais en livres libanaises, de nombreux coûts sont en dollars frais, comme l’entretien et la maintenance des salles. «Si un des projecteurs ou une des enceintes s’abîment, on sera contraints de fermer la salle, par manque de devises pour les remplacer», alerte-t-il.
Autre dépense essentielle en devises, le versement des droits aux distributeurs de films, qui se base sur un pourcentage de la vente du ticket, généralement répartie à 50/50 entre l’exploitant et le distributeur. «On verra comment cela va se passer: pour l’instant on tâtonne pour voir la réaction du public face au nouveau prix, et l’impact de la crise sur la fréquentation des salles», dit Gino Haddad. La demi-jauge imposée par les mesures sanitaires ne constituerait toutefois pas un obstacle,«nous n’atteignions de toute façon jamais un taux de fréquentation de 100% par le passé», explique Gino Haddad. D’autres sources de revenus comme «la vente de confiseries et l’organisation d’événements», selon Carly Ramia Habis, pourraient compléter les recettes.
Les prochains mois vont donc constituer une période de test pour les salles obscures libanaises, et certains ne cachent d'ores et déjà par leurs inquiétudes. «Il est très probable que nous soyons contraints de réajuster les prix à la hausse, surtout en l'absence d'aide financière de l'État. On nage dans le flou le plus total: on ne sait même pas si on aura assez d’électricité pour fonctionner en juillet étant donné les pénuries croissantes qui ont été annoncées», conclut Gino Haddad.