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L’association des diplômés de HEC compte une centaine de membres au Liban. Cadres supérieurs ou entrepreneurs, ils ont un point commun : refuser de baisser les bras face à la morosité économique qui touche le pays. Cette série de portraits d’entreprises qui défient la crise est une manière de partager leur expérience. Chaque mois, l’une d’elles présente son parcours à ses pairs lors d’une conférence-cocktail à laquelle est convié un décideur économique ou politique. Le quatrième invité était Amine Awad, membre de la Commission de contrôle des banques.









Jean Riachi
Promotion HEC 1985

1985-1988 Trésorier-adjoint chez Vivendi (ex-CGE) France.
1988-1990 Directeur de la gestion obligataire de la Banque Duménil-Leblé.
1990-1993 Directeur des opérations et de la gestion de la Banque du Louvre.
1994 Fonde FFA au Liban.

“Au Liban, les marchés financiers étant balbutiants, nous avons aussi misé sur le secteur dynamique de l’économie : l’immobilier”

Qui est FFA Private Bank ?
115 salariés.
Près d’un milliard d’actifs sous gestion.
39 millions de dollars de fonds propres.
Opère à partir de Beyrouth et de Dubaï (DIFC).

FFA (Financial Funds Advisors) a été fondée en 1994 d’abord en tant que société de courtage, spécialisée dans la prestation de conseils financiers et la distribution de fonds mutuels. Dès 1996, elle obtient l’agrément de la Banque du Liban en tant que société financière et obtient un siège à la Bourse de Beyrouth. En 2004, FFA lance une filiale spécialisée dans l’immobilier, puis, en 2006, une société financière à Dubaï, laquelle devient la première institution libanaise à détenir une licence de l’autorité de régulation du Dubai International Financial Center (DIFC). En 2007, FFA ouvre son capital et le porte à 26 millions de dollars, pour devenir une banque spécialisée, régulée par la Banque du Liban. En 2011, sa filiale à Dubaï accède au statut de catégorie 3 (banque d’investissement). En 2014, les fonds propres de FFA Private Bank atteignent environ 40 millions de dollars.

Sortir renforcée des crises
«Tout ce qui ne tue pas rend plus fort. » Jean Riachi cite Nietzche pour expliquer comment la banque d’affaires qu’il a créée, FFA Private Bank, a pu survivre aux nombreuses crises économiques mondiales. Krach obligataire en 1994, l’année du lancement de FFA… Crise asiatique en 1997… Puis russe en 1998… Explosion de la bulle Internet en 2000… Crise internationale en 2008… Dubaï en 2009… Avant de voir l’économie de la zone euro se déliter en 2011… Au final, certains de ses concurrents ont mis la clé sous la porte. Lui a tenu. « FFA est sortie renforcée. Ces crises ont même joué parfois en notre faveur : en 2008, par exemple, des clients ont transféré leurs actifs détenus à l’étranger vers leurs comptes libanais. Et les banques correspondantes ont changé d’attitude envers nous. »

Se diversifier dans l’immobilier
«Les crises nous ont appris à rechercher de nouvelles niches. » À partir de 2004, FFA s’intéresse à l’immobilier avec la création de FFA Real Estate, qui assure le développement de gros projets immobiliers comme Badaro Gardens, Naas Springs, Ahlam Kfardebiane… Aujourd’hui, cette filiale représente 20 % de l’activité du groupe. FFA Real Estate s’intéresse aussi à des projets au Portugal et en Allemagne où les rendements demeurent élevés, selon Jean Riachi. « C’est une diversification pertinente qui permet des ventes croisées : un client “immobilier” peut devenir client de la banque, et inversement. » La présence sur ce créneau est aussi un vecteur d’image pour le groupe, l’immobilier restant le sujet de conversation privilégié des Libanais, notamment ceux qui constituent sa cible de clientèle.

Toujours insister sur les valeurs
Pour Jean Riachi, la pérennité et le succès reposent sur la possibilité de se raccrocher à « un vrai système de valeurs » quand les temps sont durs. C’est là le secret : « Un banquier privé propose les mêmes services à Beyrouth, Genève, Londres ou New York. Ce qui peut nous distinguer c’est d’abord notre réputation ; c’est ensuite la relation transparente et personnalisée que nous entretenons avec nos clients. » Pour cela, dans un monde où les banquiers post “junk bonds” sont perçus comme des « tricheurs par nature », selon une étude de la très sérieuse revue scientifique américaine Nature (décembre 2014), rien ne vaut une gestion en « bon père de famille » avec un bilan solide, une séparation des activités de courtage de la gestion discrétionnaire, un ratio de fonds propres élevés. « Nos actionnaires sont en phase avec notre volonté de bâtir une franchise sur la durée au lieu de maximiser les profits à court terme. »

Levée du secret bancaire
Jean Riachi est confronté à un problème : la défiance des acteurs internationaux vis-à-vis du Liban, alors que le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et l’évasion fiscale sont au cœur de l’actualité. « Le Liban est mal perçu par les correspondants étrangers en raison du risque souverain. Ce qui rend le maintien des relations avec ces intermédiaires difficile et l’accès aux marchés internationaux problématique. » La solution mise en œuvre par FFA Private Bank est radicale : jouer la transparence . Elle demande à chacun de ses clients d’accepter de lever le secret bancaire si un correspondant l’exige. « C’est notre seule arme. » Autre difficulté, la mauvaise perception du “risque Liban” : « Quel que soit son profil, le Libanais est considéré comme un “correspondant à haut risque”. » Les banques commerciales sont moins affectées grâce au rendement élevé des bons du Trésor libanais. Dans le cas d’une banque privée, cet avantage est inexistant. Elle doit surcompenser ce désavantage lié à la situation du pays.

Un environnement défavorable
Ce ne sont pas seulement les crises internationales qui pimentent le quotidien d’un banquier privé libanais. Il faut aussi faire avec l’environnement local. Davantage que les “troubles” politiques régionaux, ce que Jean Riachi désigne du doigt, c’est un écosystème financier défavorable. « Les fusions-acquisitions d’entreprises sont quasi inexistantes… La Bourse de Beyrouth reste embryonnaire. En fait, les marchés de capitaux demeurent largement sous-développés au Liban du fait de la prédominance écrasante des banques commerciales. » Alors que les actifs de ces dernières avoisinent les 360 % du PIB, ceux du secteur financier (hors banques) frôlent les 20 % du PIB. Quant à la Bourse de Beyrouth, dont la capitalisation boursière n’excède pas les 30 % du PIB, elle est réduite à une poignée de compagnies, pour un volume de transactions quasi nul. Malgré tout, FFA a mené ces dernières années une dizaine de rapprochements entre entreprises libanaises et investisseurs étrangers. Certains sont connus : en 2012, le français Unibel a pris une participation minoritaire dans la société Biomass, l’un des principaux acteurs du secteur “bio” au Liban. FFA a également levé 4 millions de dollars auprès d’investisseurs essentiellement étrangers afin de favoriser le développement de la chaîne de restauration Semsom aux États-Unis.