Diverses compagnies de paiement mobile internationales tentent depuis quelque temps de pénétrer le marché libanais : la compagnie française PayMobey, la société brésilienne Novo, les américaines Sybase et Mobibucks… pour le moment, leurs efforts n’ont pas encore porté leurs fruits. Les initiatives qui ont vu le jour sont toutes le fait de sociétés locales, même si souvent, la technologie employée est internationale. Gros plan sur ces pionniers du m-paiement au Liban.
 

Pin-Pay : la plate-forme de Bank Audi

«L’objectif de Pin-Pay est de permettre à quiconque de payer par téléphone, en remplacement du paiement liquide », annonce Danny Abla, PDG de Pin-Pay. La société de paiement mobile se base sur un principe de portefeuille électronique : la personne dispose d’un compte électronique Pin-Pay, lié à son numéro de téléphone. La technologie a été développée par la société avec quelques composantes indiennes, l’application pour mobile, qui fonctionne sur 95 % des appareils, a été créée par Mobikicks (la société à l’origine du paiement par téléphone des grilles de Loto).
C’est Bank Audi, l’actionnaire de Pin-Pay aux côtés du fonds MEVP et de Danny Abla, qui a été la première à déployer ces services de m-paiement. Mais l’offre est limitée pour le moment : transferts P2P entre deux détenteurs de comptes Pin-Pay, recharges de téléphone Alfa et MTC Touch, recharge Internet chez le fournisseur d’accès IDM.
Pin-Pay voit pourtant plus loin : elle veut toucher les personnes non bancarisées ou hors du réseau de Bank Audi et a conclu un accord en ce sens, pas encore finalisé, avec Cash-United (les représentants de Money Gram au Liban) : une personne qui recevra un paiement sur son téléphone pourra le retirer de leurs 360 points de vente qui seront certifiés Pin-Pay. Dans un deuxième temps, « les transactions à l’international seront même possibles », avance Abla. Pin-Pay a également étendu sa collaboration avec une autre banque du groupe Alpha. L’officialisation est imminente.
« Notre objectif à terme est d’obtenir une licence d’institution financière et de construire un réseau Pin-Pay de marchands, en ciblant d’abord ceux qui font de la livraison à domicile », poursuit le PDG.
Dans le futur, Danny Abla songe à un développement d’un modèle de franchises afin d’exporter le service en dehors du Liban : d’abord dans les pays où les banques partenaires ont des branches commerciales, ensuite dans des pays de la région.
L’investissement dans Pin-Pay, qui se chiffre en millions de dollars, devrait être rentabilisé d’ici à deux ans, via un pourcentage sur les frais mensuels prélevés par les banques partenaires et via les commissions chez les marchands.

ViaMobile : simplifier les services existants

« Notre objectif est de simplifier des services existants, en remplaçant le paiement en liquide par du paiement via mobile », explique Karim el-Khoury, directeur général de ViaMobile. La société propose donc cinq services : les recharges de téléphone mobile Alfa et MtcMTC Touch, les recharges de services ADSL de Cyberia (dont 75 % des clients utilisent les cartes prépayées), le paiement de listes de mariage Khoury Home, le paiement des parcmètres, et les transferts P2P. « Les recharges se feront sans coûts supplémentaires pour les clients, car ViaMobile fonctionne comme un revendeur et prend donc sa commission directement des opérateurs »,  explique le directeur.
Pour le paiement des parcmètres, « nous avons obtenu un code court (1315) du ministère des Télécoms, explique Karim el el-Khoury : le client envoie le numéro de la machine au 1315 et le ticket s’imprime : il a alors droit à une 1 heure de stationnement qu’il paie 1 500 livres », soit 500 livres de plus que le tarif normal. Ce service est surtout conçu comme un dépannage, pour les moments où les utilisateurs n’auront ni carte, ni monnaie à leur disposition. « L’objectif est d’atteindre 20-25 % de pénétration », avance el el-Khoury ; dans un deuxième temps, ViaMobile développera une application qui permettra de demander le temps de stationnement voulu, sans surcharge de prix. « Nous sommes en négociation avec la municipalité à ce sujet », explique le directeur. ViaMobile fonctionne, comme Pin-Pay, sur le principe d’un portefeuille électronique, “« My Wallet Mahfazati” », lié à un numéro de téléphone et à un compte bancaire. Il sera accessible via une application compatible avec tous les smartphones et la majorité des téléphones classiques. Ce sont les clients du groupe Fransabank (composé de la banque du même nom et de la BLC Bank) qui pourront en bénéficier en premier : le lancement des services par la banque se fera en 2012, bien que la date précise et les conditions de l’offre ne soient pas encore fixées. ViaMobile a été créé en 2009 au Liban par Karim el el-Khoury et deux partenaires. Elle se base sur une technologie développée par la société française Creova, très active en Tunisie.  Ils sont présents en Tunisie, Au au Sierra Leone, en Gambie, et au Congo ; ils commencent également à prospecter l’Irak et l’Arménie. « Nous voulons également obtenir une licence d’institution bancaire pour pouvoir étendre nos services et toucher la population non bancarisée, et nous sommes en négociation avec un pourvoyeur de fonds international pour pouvoir permettre les transferts hors frontières », annonce Karim el-Khoury.

Mobikick : derrière le succès du Loto libanais

Mobikick est la société qui a permis aux joueurs de Loto d’acheter leurs grilles via leur téléphone portable. Créée en 2006 par Moussa Azar et les deux frères Ayrouth, Mobikick a été freinée dans son développement par la guerre de 2006 et par les divers événements sécuritaires et politiques qui ont marqué les années d’après.
Cela ne l’a pas empêché de construire une plate-forme de paiement mobile et d’imaginer un service de portefeuille électronique qui convienne au Loto libanais. « Nous avons avec la Libanaise des Jeux (société privée qui gère le Loto libanais pour le compte du ministère des Finances, NDLR) un contrat de maintenance annuel qui, avec une partie du coût du SMS – 70 cents car il est premium –, constitue notre source de revenus », explique le directeur.
Le Liban est un pays de démonstration pour Mobikick : « Si avec les coûts élevés au Liban, les utilisateurs sont quand même au rendez-vous, cela prouvera que notre modèle peut marcher à l’étranger, où il sera plus simple d’intégrer des systèmes de paiement. Ici, il a fallu obtenir l’accord du ministère des Télécoms, des Finances, d’Alfa et de MTC », explique Moussa Azar. Mobikick souhaite se développer dans les pays africains et en Europe (les pays arabes n’autorisent pas de jeux de hasard). « Notre modèle économique sera différent à l’étranger, nous prendrons probablement un pourcentage sur les transactions. »
Mobikick se tient également prêt, si la Banque du Liban lui délivre une licence d’institution financière, à développer son service au Liban : « Nous avons déjà le portefeuille électronique, nous pourrons alors assurer des micropaiements, le paiement des recharges, faire des accords avec des organismes de transferts internationaux, etc. » Bref, Mobikick serait alors en concurrence avec Pin-Pay et ViaMobile, tout en bénéficiant d’une expérience plus longue.