Autodidacte, Rana Dirani, la fondatrice du café Em Nazih et de l’école de langue Saifi Institute, a bâti en quelques années un business florissant alliant restauration, hébergement et cours de langue. Décryptage d’un combo gagnant.
Regard franc, sourire énergique, Rana Dirani, la trentaine, est un petit bout de femme dont l’énergie besogneuse défie les préjugés de la société sur le rôle ou la place des femmes. Elle a construit seule sa vie professionnelle, grâce à une volonté farouche, une pugnacité qui ne s’est jamais démentie. Elle reçoit au café Em Nazih (un nom en hommage à sa mère), qu’elle a fondé en avril 2010, la voix de Fairouz en arrière-fond sonore. Niché, dans le repli d’une jolie impasse de Gemmayzé, au rez-de-chaussée d’un vieil immeuble, ce restaurant n’est pourtant que la « partie visible de l’iceberg ». Derrière, se cache un petit empire : le Saifi Urban Gardens, un groupe aux activités variées centré autour de la restauration et de l’apprentissage de la langue arabe. Rana Dirani l’a fondé en 2010 avec son mari Mac, un Américain venu apprendre la langue arabe au Liban, qui n’en est ensuite jamais reparti. Auparavant, en 2007, elle a créé ex nihilo une école privée de langue arabe pour étrangers, le Saifi Institute, devenu en peu de temps une vraie référence pour le sérieux de ses méthodes et l’implication de son personnel.
D’une faiblesse faire une force
Le Saifi Urban Gardens est devenu profitable en 2013. « Avant, il a fallu rembourser le prêt initial de 300 000 dollars, contracté en 2010 pour payer les loyers d’avance et financer la rénovation de l’immeuble », précise-t-elle sans vouloir communiquer son chiffre d’affaires exact. Rana Dirani emploie une cinquantaine de personnes, dont sa mère, qui chapeaute les cuisines, son père qui gère l’approvisionnement, ainsi que ses deux sœurs et son frère. « Même si je me suis entourée de mes proches, je reste un chef d’entreprise. Je suis intraitable en cas de faute », précise-t-elle.
Au plus fort de l’activité, lors des soirées à thème des mercredis, vendredis et samedis, ce restaurant prisé par la jeunesse peut servir jusqu’à 100 couverts. La clé de son succès ? Être un lieu où l’on peut passer des heures à lire ou jouer au trictrac sans débourser beaucoup. « On peut manger chez nous pour 20 dollars. » Pourtant, rien ne la prédisposait à se lancer dans la restauration ou l’entreprise. « Mon aventure a en fait démarré dans une salle de classe », confie-t-elle. C’est comme professeure de langue arabe que la jeune femme a démarré sa vie active : au début des années 2000, Rana Dirani entame une première année de comptabilité à l’Université libanaise. Mais sa famille n’a pas les moyens de l’entretenir ; elle doit travailler pour financer ses études.
L’enseignement comme tremplin
Sans compétence particulière, elle postule dans une association, qui dispense des cours d’arabe dans le camp de Bourj el-Brajné : « La langue arabe était mon seul atout. Je ne savais pas utiliser un ordinateur, ni même parler anglais. » Elle apprend sur le tas, élaborant à tâtons sa propre méthode. « Je rentrais le soir et j’étudiais, préparant mon cours des heures durant, tâchant de trouver des réponses aux innombrables questions grammaticales que mes étudiants allaient inévitablement me poser. » En 2006-2007, l’association, qui a perdu des subventions, décide de réduire les salaires des employés. Pour Rana Dirani, c’est l’impulsion qui lui manquait pour partir et monter sa propre école de langue. Au début, sa famille hésite à la soutenir. « Mes parents avaient peur et ne croyaient pas qu’une toute jeune femme – j’avais 25 ans à peine – aie les épaules assez solides pour réussir sans autre appui que sa propre obstination. J’ai dû me battre pour les convaincre. Mais aujourd’hui, ils sont 100 % avec moi », s’amuse celle dont personne désormais n’oserait mettre en doute la pugnacité, surtout pas sa famille, qu’elle a associée à sa réussite.
Avec Mac, son mari, ils louent un local dans le quartier du Port de Beyrouth et fondent l’une des écoles de langue arabe pour étrangers, désormais parmi les plus réputées du Liban : le Saifi Institute. Ce qui explique leur succès ? Sans doute l’implication de Rana et des siens. Aux activités scolaires proprement dites, les “Dirani” mêlent des initiations à la culture arabe (cours de chants, de cuisine, match de foot ou de basket…) et proposent même des balades à la découverte d’un Beyrouth, loin des sentiers battus. Avec le conflit syrien, les salles de cours ne désemplissent plus. « Beaucoup des étudiants qui prenaient jusqu’alors le chemin de Damas choisissent Beyrouth comme destination de voyage d’étude. » Selon les saisons, le Saifi Institute accueille ainsi entre 130 à 190 étudiants, qui s’acquittent en moyenne de 9 dollars par heure de cours pour des sessions de cinq semaines minimum. Le local du port devient trop étroit et l’idée d’un “complexe” pouvant mêler restauration, hôtel et enseignement fait son chemin. « À l’école, nous étions sans cesse en train de débrouiller des logements pas chers pour nos étudiants, à leur dégotter des “bons plans” : à un moment, on s’est dit que nous pouvions venir combler un manque sur le segment de la restauration et de l’hôtellerie bon marché en répondant à cette demande. » Rana débusque en 2010 un immeuble construit en 1831 au “charme suranné” et signe un contrat de location d’une durée de six ans (dont elle préfère taire le montant). En s’appuyant sur la clientèle de l’école, l’auberge de jeunesse et le bar démarrent facilement au point d’être indexés parmi les bons plans des Beyrouthins. Aujourd’hui, Rana veut s’atteler à redynamiser le quartier de Gemmayzé, un rien passé de mode. « Croyez-moi, j’y arriverai », glisse-t-elle souriante.
D’une faiblesse faire une force
Le Saifi Urban Gardens est devenu profitable en 2013. « Avant, il a fallu rembourser le prêt initial de 300 000 dollars, contracté en 2010 pour payer les loyers d’avance et financer la rénovation de l’immeuble », précise-t-elle sans vouloir communiquer son chiffre d’affaires exact. Rana Dirani emploie une cinquantaine de personnes, dont sa mère, qui chapeaute les cuisines, son père qui gère l’approvisionnement, ainsi que ses deux sœurs et son frère. « Même si je me suis entourée de mes proches, je reste un chef d’entreprise. Je suis intraitable en cas de faute », précise-t-elle.
Au plus fort de l’activité, lors des soirées à thème des mercredis, vendredis et samedis, ce restaurant prisé par la jeunesse peut servir jusqu’à 100 couverts. La clé de son succès ? Être un lieu où l’on peut passer des heures à lire ou jouer au trictrac sans débourser beaucoup. « On peut manger chez nous pour 20 dollars. » Pourtant, rien ne la prédisposait à se lancer dans la restauration ou l’entreprise. « Mon aventure a en fait démarré dans une salle de classe », confie-t-elle. C’est comme professeure de langue arabe que la jeune femme a démarré sa vie active : au début des années 2000, Rana Dirani entame une première année de comptabilité à l’Université libanaise. Mais sa famille n’a pas les moyens de l’entretenir ; elle doit travailler pour financer ses études.
L’enseignement comme tremplin
Sans compétence particulière, elle postule dans une association, qui dispense des cours d’arabe dans le camp de Bourj el-Brajné : « La langue arabe était mon seul atout. Je ne savais pas utiliser un ordinateur, ni même parler anglais. » Elle apprend sur le tas, élaborant à tâtons sa propre méthode. « Je rentrais le soir et j’étudiais, préparant mon cours des heures durant, tâchant de trouver des réponses aux innombrables questions grammaticales que mes étudiants allaient inévitablement me poser. » En 2006-2007, l’association, qui a perdu des subventions, décide de réduire les salaires des employés. Pour Rana Dirani, c’est l’impulsion qui lui manquait pour partir et monter sa propre école de langue. Au début, sa famille hésite à la soutenir. « Mes parents avaient peur et ne croyaient pas qu’une toute jeune femme – j’avais 25 ans à peine – aie les épaules assez solides pour réussir sans autre appui que sa propre obstination. J’ai dû me battre pour les convaincre. Mais aujourd’hui, ils sont 100 % avec moi », s’amuse celle dont personne désormais n’oserait mettre en doute la pugnacité, surtout pas sa famille, qu’elle a associée à sa réussite.
Avec Mac, son mari, ils louent un local dans le quartier du Port de Beyrouth et fondent l’une des écoles de langue arabe pour étrangers, désormais parmi les plus réputées du Liban : le Saifi Institute. Ce qui explique leur succès ? Sans doute l’implication de Rana et des siens. Aux activités scolaires proprement dites, les “Dirani” mêlent des initiations à la culture arabe (cours de chants, de cuisine, match de foot ou de basket…) et proposent même des balades à la découverte d’un Beyrouth, loin des sentiers battus. Avec le conflit syrien, les salles de cours ne désemplissent plus. « Beaucoup des étudiants qui prenaient jusqu’alors le chemin de Damas choisissent Beyrouth comme destination de voyage d’étude. » Selon les saisons, le Saifi Institute accueille ainsi entre 130 à 190 étudiants, qui s’acquittent en moyenne de 9 dollars par heure de cours pour des sessions de cinq semaines minimum. Le local du port devient trop étroit et l’idée d’un “complexe” pouvant mêler restauration, hôtel et enseignement fait son chemin. « À l’école, nous étions sans cesse en train de débrouiller des logements pas chers pour nos étudiants, à leur dégotter des “bons plans” : à un moment, on s’est dit que nous pouvions venir combler un manque sur le segment de la restauration et de l’hôtellerie bon marché en répondant à cette demande. » Rana débusque en 2010 un immeuble construit en 1831 au “charme suranné” et signe un contrat de location d’une durée de six ans (dont elle préfère taire le montant). En s’appuyant sur la clientèle de l’école, l’auberge de jeunesse et le bar démarrent facilement au point d’être indexés parmi les bons plans des Beyrouthins. Aujourd’hui, Rana veut s’atteler à redynamiser le quartier de Gemmayzé, un rien passé de mode. « Croyez-moi, j’y arriverai », glisse-t-elle souriante.
Qui est-elle ? - Rana Dirani, née en 1981. - Mariée, deux enfants de 4 ans et 1 an et demi. - Fondatrice en 2004 de l’école de langue The Saifi Institute. - Créatrice en 2010 du Saifi Urban Gardens, un complexe de restauration et de logements. |