Début mars s’est tenue comme chaque année depuis sept ans la conférence annuelle du réseau ArabNet à Beyrouth. Dans les locaux de l’hôtel Hilton, ils étaient plus d’un millier, selon les organisateurs, à se réunir pour échanger leurs perspectives sur l’économie digitale au Moyen-Orient. Tous les partenaires stratégiques du secteur étaient présents : Banque du Liban, fonds d’investissements, jeunes entrepreneurs, banques privées, opérateurs de téléphonie mobile, ambassades étrangères… les yeux rivés sur l’avenir et les poches pleines de cartes de visite. Quelles tendances se dégagent de ce cru 2016 ?

Le Liban maintient son ambition régionale

Si ce n’est pas une nouveauté, c’est en tout cas une ambition sans cesse renouvelée : le Liban se veut au centre de l’économie digitale arabe. Le pays qui a, selon le second vice-gouverneur de la Banque du Liban, « le potentiel de jouer un rôle de hub régional » serait aussi « l’un des écosystèmes les plus complets de la région ». Cet écosystème, soutenu par la circulaire 331 de la Banque centrale, vise à soutenir de jeunes entrepreneurs libanais afin que leurs rêves de start-up se transforment en success stories locales et non plus en une immigration déçue. Pour ce faire, le gouvernement met la main à la pâte et promet de garantir l’infrastructure nécessaire. Le ministre des Télécoms Boutros Harb a ainsi rappelé sa promesse d’étendre la connexion 4G à l’ensemble du territoire à compter de septembre 2016.

Du mobile, du mobile et encore du mobile

Fini le bon vieux moteur de recherche qui centralise tout, l’avenir de l’économie numérique se joue désormais sur le mobile et en particulier sur les plates-formes de messagerie instantanée portées par leurs jeunes utilisateurs. Facebook, WhatsApp, Snapchat sont à l’honneur, car ils présentent de multiples avantages. Effet de mode certes mais aussi facilité d’accès, rapidité, personnalisation, lien social et moindres dépenses. « Sur les marchés qui sont en difficulté économique, Internet sur le mobile coûte cher et du coup les messageries instantanées sont une façon de délivrer un service à moindre coût », explique Turi Menthe partenaire chez North Base Media, un fonds d’investissement spécialisé dans les nouveaux médias. Selon les experts présents lors de différents panels, le taux de pénétration des smartphones va aller en s’accroissant dans l’ensemble de la région et donc accélérer la tendance.

La vidéo pour le Web, un marché porteur

Autre phénomène lié au développement des smartphones, tablettes et autres écrans connectés : la consommation de plus en plus importante de vidéo sur le Web. Aujourd’hui, la région Mena est la seconde plus grande consommatrice de vidéos YouTube au monde, mais contrairement à une perception largement répandue, ces formats ne coûtent pas moins cher à produire. Selon les intervenants de la conférence, pour qu’une vidéo, une série ou un film fonctionne sur Internet il n’y a pas de mystère, il faut qu’il soit de qualité : bien écrit, bien filmé, bien réalisé, bien monté… Un processus qui est le même, quel que soit le mode de diffusion.

Le come-back de la typographie arabe

Trop longtemps, les lettres arabes ont été la bête noire des professionnels du Web. Pas assez de polices disponibles, pas assez seyantes, difficiles à intégrer aux moteurs de recherche ou interfaces de sites, la calligraphie orientale était boudée. Pourtant, il existe un vrai marché pour la langue arabe sur Internet. Selon des chiffres publiés par Internet World Stats, plus de 155 millions d’internautes naviguaient en arabe en 2015, contre seulement 2,5 millions en 2000. C’est tout simplement la langue qui progresse le plus vite sur la Toile. Lors de la conférence, les panélistes ont tenté de dissiper les appréhensions des entrepreneurs et développeurs. Côté graphisme, il existe en réalité une offre assez large. Pascal Zoghbi, fondateur de la société 29Letters qui se spécialise dans la création de typographies arabes destinées à des supports numériques, en est un exemple. Côté technique, les navigateurs et les moteurs de recherche s’adaptent progressivement à l’arabe, alors plus de raison de privilégier les lettres latines.