S’il y en a une à qui l’insulte de “matheuse” ne fait pas peur, c’est bien Zeina Zeidan. Pour cette jeune femme de 39 ans les mathématiques sont un langage universel. « Ma vie, ce sont les chiffres. Mettez-moi devant un fichier Excel, et je me perds des heures durant. À mon sens, les nombres racontent une histoire, décrivent un univers. Ils me parlent, littéralement », dit-elle avec un grand sourire. Il faut croire que ce goût marqué pour les mathématiques lui a porté chance : en juillet 2016, Zeina Zeidan a été élue présidente du conseil d’administration de la société financière Royal Financials, un spécialiste du marché Forex et de la création de plates-formes électroniques de trading. Première femme à jamais atteindre cette position dans le petit monde de la banque et la finance libanaises, Zeina Zeidan réfléchit depuis à la stratégie de cette société fondée en 2006 par Rayan al-Annan et qui compte aujourd’hui 65 salariés. Régulée par la Banque centrale, la firme qui a enregistré quelque 10 millions de dollars de chiffre d’affaires l’an passé au Liban, a déjà ouvert une première filiale à Chypre.
Si Zeina Zeidan enseigne en parallèle à l’université son goût des chiffres, elle l’a d’abord mis au service des entreprises. Au sortir de sa thèse “maths et finance”, menée tambour battant à 27 ans en France, elle se spécialise dans l’audit. « L’audit, c’est se projeter, imaginer l’avenir, le construire même. Dit comme cela, c’est plutôt enthousiasmant, non ? » Pourtant, dans un pays marqué par une forte culture patriarcale, ce choix de carrière n’avait rien d’évident. « Malgré tout, le secteur financier me semblait être davantage favorable à l’égalité entre hommes et femmes. Sans doute, parce que c’est un secteur très “orienté” sur la performance : au final, l’argent est aveugle à la problématique du genre. Seuls comptent vos résultats. »
Au sortir de ses études, Zeina Zeidan intègre le cabinet d’audit et de conseil Deloitte pendant un an. « Mais j’avais le sentiment de n’être qu’un rouage. » Elle leur préfère alors un groupe danois de prêt-à-porter à petit prix, le groupe Bestseller (Jack & Jones, Vero Moda…) qui compte aujourd’hui 2 700 magasins dans 70 pays différents et 15 000 salariés. Au moment de son recrutement, comme directrice financière et ventes, Bestseller démarre son implantation dans la région. « Nous étions alors seulement présents dans deux pays de la région. » Dix ans plus tard, lorsqu’elle le quitte, ces enseignes sont installées dans onze pays du Moyen-Orient et du Golfe. Et les ventes, assure l’ancienne responsable, ont explosé de 1 000 %.
L’apparente facilité de son parcours professionnel ne signifie pas qu’elle n’a pas connu certaines difficultés. Car si Zeina Zeidan est ce que les Anglais nomment avec délice un “tough cookie”, c’est peut-être parce qu’elle connaît aussi le sens du mot “lutte”. « Je ne suis pas née avec une cuillère en argent dans la bouche. Bien au contraire, je viens d’un milieu modeste. Mon père est mort quand j’avais sept ans. Avec ma mère et ma sœur, nous avons dû nous serrer les coudes. » Sur son histoire familiale, elle n’en dira guère plus, visiblement réticente à dévoiler trop d’intime. « De mon enfance, j’ai gagné une détermination à toute épreuve. C’est d’ailleurs ce message que je veux maintenant partager avec d’autres femmes : “Cessez d’hésiter, apprenez à croire en vous et osez !”. »
Un “Yes, we can”, à la sauce féministe, qu’elle revendique aussi comme méthode de management. « Ce qui est important, c’est d’être un “leader inspirant”, quel que soit votre sexe. Après tout, les hommes et les femmes font face aux mêmes difficultés dans le monde du travail. Mais les femmes doivent gérer des défis bien plus systémiques que les hommes dans leur vie quotidienne. Les obstacles auxquels elles font face – gestion de la famille, enfants, plafond de verre, faiblesse des rémunérations… – doivent être dépassés si on veut pouvoir un jour parler d’égalité. » C’est d’ailleurs ce qui l’a portée à l’Organisation des Nations unies à New York l’an passé, devant la commission spéciale sur le statut des femmes. Invitée à partager sa propre expérience devant 300 autres participants, notre matheuse y a, pour la première fois de sa vie peut-être, connu le trac. « Partager mon expérience était pour moi aussi une façon de dire que personne n’améliorera notre condition si nous ne le faisons pas d’abord nous-mêmes », dit-elle, ajoutant aussitôt : « Cela ne signifie pas que je dédouane le pouvoir politique. Nos gouvernements ont bien sûr une responsabilité dans le choix des politiques édictées. » Pour l’heure, elle n’envisage pas d’intégrer des associations de lutte déjà existantes. « Les femmes doivent faire partie du processus de prise de décision dont elles sont exclues à l’heure actuelle. Cela ne viendra que si on en recrute à des postes-clés. Aujourd’hui, le changement est en marche, mais il est d’une frustrante lenteur. » À sa propre échelle, Zeina Zeidan a décidé d’y contribuer : Royal Financials devrait être la première institution financière libanaise à signer les principes d’autonomisation des femmes (“Women Empowerment Principals”, en anglais) des Nations unies, une série de recommandations conçues pour aider les entreprises à revoir leurs politiques existantes, ou à en établir de nouvelles, en faveur des femmes dans le monde du travail.
Si Zeina Zeidan enseigne en parallèle à l’université son goût des chiffres, elle l’a d’abord mis au service des entreprises. Au sortir de sa thèse “maths et finance”, menée tambour battant à 27 ans en France, elle se spécialise dans l’audit. « L’audit, c’est se projeter, imaginer l’avenir, le construire même. Dit comme cela, c’est plutôt enthousiasmant, non ? » Pourtant, dans un pays marqué par une forte culture patriarcale, ce choix de carrière n’avait rien d’évident. « Malgré tout, le secteur financier me semblait être davantage favorable à l’égalité entre hommes et femmes. Sans doute, parce que c’est un secteur très “orienté” sur la performance : au final, l’argent est aveugle à la problématique du genre. Seuls comptent vos résultats. »
Au sortir de ses études, Zeina Zeidan intègre le cabinet d’audit et de conseil Deloitte pendant un an. « Mais j’avais le sentiment de n’être qu’un rouage. » Elle leur préfère alors un groupe danois de prêt-à-porter à petit prix, le groupe Bestseller (Jack & Jones, Vero Moda…) qui compte aujourd’hui 2 700 magasins dans 70 pays différents et 15 000 salariés. Au moment de son recrutement, comme directrice financière et ventes, Bestseller démarre son implantation dans la région. « Nous étions alors seulement présents dans deux pays de la région. » Dix ans plus tard, lorsqu’elle le quitte, ces enseignes sont installées dans onze pays du Moyen-Orient et du Golfe. Et les ventes, assure l’ancienne responsable, ont explosé de 1 000 %.
L’apparente facilité de son parcours professionnel ne signifie pas qu’elle n’a pas connu certaines difficultés. Car si Zeina Zeidan est ce que les Anglais nomment avec délice un “tough cookie”, c’est peut-être parce qu’elle connaît aussi le sens du mot “lutte”. « Je ne suis pas née avec une cuillère en argent dans la bouche. Bien au contraire, je viens d’un milieu modeste. Mon père est mort quand j’avais sept ans. Avec ma mère et ma sœur, nous avons dû nous serrer les coudes. » Sur son histoire familiale, elle n’en dira guère plus, visiblement réticente à dévoiler trop d’intime. « De mon enfance, j’ai gagné une détermination à toute épreuve. C’est d’ailleurs ce message que je veux maintenant partager avec d’autres femmes : “Cessez d’hésiter, apprenez à croire en vous et osez !”. »
Un “Yes, we can”, à la sauce féministe, qu’elle revendique aussi comme méthode de management. « Ce qui est important, c’est d’être un “leader inspirant”, quel que soit votre sexe. Après tout, les hommes et les femmes font face aux mêmes difficultés dans le monde du travail. Mais les femmes doivent gérer des défis bien plus systémiques que les hommes dans leur vie quotidienne. Les obstacles auxquels elles font face – gestion de la famille, enfants, plafond de verre, faiblesse des rémunérations… – doivent être dépassés si on veut pouvoir un jour parler d’égalité. » C’est d’ailleurs ce qui l’a portée à l’Organisation des Nations unies à New York l’an passé, devant la commission spéciale sur le statut des femmes. Invitée à partager sa propre expérience devant 300 autres participants, notre matheuse y a, pour la première fois de sa vie peut-être, connu le trac. « Partager mon expérience était pour moi aussi une façon de dire que personne n’améliorera notre condition si nous ne le faisons pas d’abord nous-mêmes », dit-elle, ajoutant aussitôt : « Cela ne signifie pas que je dédouane le pouvoir politique. Nos gouvernements ont bien sûr une responsabilité dans le choix des politiques édictées. » Pour l’heure, elle n’envisage pas d’intégrer des associations de lutte déjà existantes. « Les femmes doivent faire partie du processus de prise de décision dont elles sont exclues à l’heure actuelle. Cela ne viendra que si on en recrute à des postes-clés. Aujourd’hui, le changement est en marche, mais il est d’une frustrante lenteur. » À sa propre échelle, Zeina Zeidan a décidé d’y contribuer : Royal Financials devrait être la première institution financière libanaise à signer les principes d’autonomisation des femmes (“Women Empowerment Principals”, en anglais) des Nations unies, une série de recommandations conçues pour aider les entreprises à revoir leurs politiques existantes, ou à en établir de nouvelles, en faveur des femmes dans le monde du travail.
En quelques dates 1978 : naissance au Liban. 2007 : thèse université d’Aix-Marseille. 1997-1998 : cabinet Deloitte. 2005-2016 : directrice financière Bestseller. 2016 : élue présidente du conseil d’administration de Royal Financials. |