L’équilibre financier du Liban ne tient qu’à un mot : la confiance. Cette confiance n’est pas nourrie par les perspectives de croissance d’une économie qui n’exporte quasiment plus rien, à part ses ressources humaines les plus qualifiées. Elle est alimentée par le sentiment d’une super Banque du Liban, capable de maintenir le pays à flot à coups de swaps et d’ingénieries financières. Malgré leur coût pour la société, les acrobaties de la Banque centrale ont permis au Liban de surmonter des crises majeures et d’aiguiser au fil des ans les arguments à apposer à ceux qui doutent de la solidité du pays.

Le premier est que les autorités monétaires n’hésitent pas à intervenir, indépendamment de la facture à payer. Le second consiste à lier la stabilité financière à la paix civile et d’en déduire que le système est soutenu à la fois par les acteurs locaux et la communauté internationale, qui agirait en dernier ressort.  

Mais ce sentiment que le Liban pourra toujours se financer, quoi qu’il advienne et quel qu’en soit le prix, a aussi renforcé l’inconscience de la classe politique. Dans le jargon financier, on appelle ça l’aléa moral. Un comportement qui consiste à prendre davantage de risques lorsqu’on est assuré, ou qu’on a la certitude d’être renfloué. De Paris 1 à la future Paris 4, en passant par les nombreuses ingénieries de la BDL, les gouvernements successifs n’ont jamais eu besoin d’engager des réformes ni de les assumer. À partir de 2005, ils n’ont même plus eu besoin d’avoir un budget. Aujourd’hui encore, le pouvoir ne donne même pas l’impression de mesurer la responsabilité qui lui incombe.

Jusqu’à quand le Liban peut-il continuer à vivre au-dessus de ses moyens ? Au nom de cette fameuse confiance à préserver, il est presque interdit de poser la question. Toute demande de transparence ou remise en cause de la politique monétaire ou budgétaire est présentée comme une tentative de déstabilisation. Il est pourtant grand temps que le pays s’interroge sur son modèle économique et financier, et donc nécessairement politique.