Nancy Saliba Boueri, consultante et chercheuse en management
Nancy Saliba Boueri, consultante et chercheuse en management

L'essor industriel est souvent assimilé à la destruction de l’environnement. Il y a néanmoins une prise de conscience écologique chez de plus en plus d’industriels. Plus de 340 000 entreprises sont aujourd’hui certifiées ISO:14001 – norme internationale de système de management environnemental – dans le monde. La mise en œuvre de cette norme, qui commence par un audit environnemental et devient par la suite un outil de management écologique, permet de limiter l’impact environnemental des activités industrielles. 

Au Liban, la plupart des entreprises sont des industries légères, qui jouent un rôle important dans le développement économique du pays, mais qui peuvent aussi avoir des impacts négatifs potentiels sur l’environnement.

Bien qu’il existe 72 zones industrielles déclarées, la plupart des usines sont situées en dehors de ces zones, principalement dans les zones urbaines où résident les deux tiers de la population libanaise. Ces industries génèrent environ 188 000 tonnes de déchets solides, soit environ 6 % du total. Les déchets industriels peuvent être classés en deux catégories : les déchets non dangereux (environ 185 000 tonnes par an) et les déchets dangereux (environ 3 338 tonnes par an). Malheureusement, en l’absence de contrôles stricts, la majorité des déchets industriels sont mélangés aux déchets municipaux.

Quant aux eaux usées industrielles, elles représentent environ 12 % du total des eaux usées du pays et sont rejetées dans les systèmes d’égouts urbains. Il est difficile d’estimer la charge totale de polluants rejetés par le secteur industriel par manque de données précises.

En termes d’émission de gaz, les industries génèrent deux types d’émissions : celles de combustion et celles des procédés de fabrication. Les émissions de combustion sont similaires à celles du secteur de l’énergie et des transports, les plus grands producteurs de CO2 étant les cimenteries. Les combustions des procédés de fabrication en revanche varient selon le processus de production, l’efficacité des équipements industriels, et les opérations de charge et de décharge des matières premières.

Les industriels libanais sont de plus en plus conscients des enjeux environnementaux. Actuellement, 39 entreprises sont certifiées ISO:14001 avec une augmentation de 60 % en seulement trois ans.

L’usine de recyclage de papier Sicomo, par exemple, limite son empreinte environnementale en transformant plus de 40 000 tonnes de  déchets en énergie.

L’entreprise d’eau minérale Berdawni, qui embouteille plus de 180 millions de litres d’eau par an, économise 50 % du total de ses dépenses énergétiques grâce à l’installation de panneaux solaires.

L’État a un rôle crucial à jouer que ce soit pour édicter les règles ou les faire appliquer. Le programme Lepap – Lebanon Environmental Pollution Abatement Project –, financé par la Banque mondiale et mis en œuvre depuis 2014 par le ministère de l’Environnement, vise à renforcer les capacités des entreprises dans la réduction de la pollution industrielle et les aider à obtenir des prêts subventionnés, à des fins environnementales, de la Banque du Liban avec des intérêts allant jusqu’à 0 %.

Cependant il reste beaucoup à faire de la part de l’État et de la part du secteur industriel. La prise de conscience croissante de l’urgence environnementale et des enjeux de soutenabilité se heurte à la réduction des marges de manœuvre publiques, aux contraintes budgétaires, à l’ampleur des obstacles économiques et sociaux, et à un agenda politique privilégiant l’immédiateté et le court terme.