Le problème – Monsieur N. travaille comme responsable des ventes depuis neuf ans, avec un salaire fixe de six millions de livres par an. Il a reçu un préavis de licenciement avec des indemnités équivalentes à trois mois de salaire (soit 18 millions de livres), qui ne prennent pas en compte la prime de fin d’année (communément appelée bonus). Cette prime, équivalente à un treizième mois, est versée à l’ensemble des salariés depuis déjà plus de douze ans. Monsieur N. voudrait savoir si ce bonus fait partie de son salaire et doit être inclus dans ses indemnités de licenciement.
Le conseil de l’avocat – Le bonus, appelé aussi gratification, est une rétribution spéciale accordée à certaines occasions. Il constitue une rémunération supplémentaire, octroyée à titre de récompense.
La question relative à l’attribution de la prime de fin d’année n’est pas réglementée par le code du travail. En effet, aucune disposition législative en vigueur n’impose le versement d’une prime de fin d’année. Il est évident que les bonus convenus d’un commun accord par écrit, ou même oralement, lors de la conclusion du contrat de travail seront considérés comme faisant partie intégrante du salaire. Il en va de même lorsqu’ils ont été prévus dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une convention collective de travail.
La question est de savoir si un bonus accordé et fixé de façon discrétionnaire par l’employeur constitue ou non un élément du salaire, et s’il doit entrer dans l’assiette de calcul de l’indemnité de licenciement ainsi que dans le calcul des cotisations de la Sécurité sociale et de l’impôt. En effet, selon l’article 68 du code de la Sécurité sociale, « le gain servant de base au calcul des cotisations comprend le revenu total produit par l’emploi, y compris tous les éléments et compléments et, notamment, la rétribution habituelle des heures de travail supplémentaires, les rétributions habituelles versées par des tiers (pourboires), ainsi que les avantages en nature ».
Les tribunaux libanais se sont inspirés de ce texte pour donner à la prime de fin d’année le caractère de compléments de salaire en fonction de critères particuliers. Si certaines conditions fixées par la jurisprudence sont réunies, le paiement de la prime s’analyse juridiquement comme un usage d’entreprise qui s’impose alors à l’employeur. Dans ce cas, on considère que le bonus fait partie intégrante du salaire de l’employé.
Les trois conditions cumulatives permettant d’octroyer à la prime de fin d’année le caractère de complément de salaire sont la constance, la généralité et la fixité. La gratification doit être constante dans son attribution, c’est-à-dire qu’elle doit avoir été versée pendant trois années consécutives. Le montant du bonus doit être fixe et connu à l’avance, comme un mois supplémentaire de salaire ou un pourcentage particulier. Si la gratification est soumise à des variations importantes d’une année à l’autre, la fixité n’est pas établie. Concernant la généralité, il n’est pas nécessaire que tous les salariés d’une entreprise touchent une gratification. Il suffit que la prime bénéficie à une catégorie de salariés se trouvant dans la même situation (le personnel de l’atelier ou des bureaux par exemple). Dans le cas présent, la prime de fin d’année est fixe, elle est accordée à tous les salariés et cela depuis plus de trois ans, ce qui lui octroie un caractère constant. Ce bonus a, par conséquent, toutes les chances d’être considéré comme un complément de salaire par-devant le conseil arbitral du travail.
Si l’employeur refuse de comptabiliser cette prime dans le salaire, le salarié peut le contraindre à lui accorder ce droit en allant au conseil arbitral du travail. En revanche, la situation est plus complexe si le versement de primes dans l’entreprise se fait de manière sporadique ou non institutionnalisée.
Les départements des ressources humaines utilisent de plus en plus fréquemment les bonus comme outils pour attirer les salariés. Cette pratique implique toutefois que ces bonus soient formulés, et convenus en fonction d’objectifs prédéterminés tels que la performance personnelle ou les résultats de l’entreprise. Le corollaire de la mise en place de ce cadre est que ces primes perdent souvent le caractère de gratification pour entrer dans la catégorie des compléments de salaire. Dans ce cas, l’employé dispose de droits acquis aux paiements des bonus au même titre que sur le salaire de base.