Christine-Tohme
Christine-Tohme

Quels sont les défis auxquels Ashkal Alwan est confronté en ces temps de crise ?
La crise financière a considérablement limité nos opérations ainsi que notre capacité à produire des programmes publics et à soutenir des projets artistiques. Annuler la 8e édition de Home Work, notre forum dédié aux pratiques culturelles, après deux ans de travail intensif, a été l’une des décisions les plus difficiles que nous ayons jamais eu à prendre.

L’épidémie de coronavirus nous a aussi poussé à interroger nos comportements : comment s’engager dans des activités artistiques et culturelles sans nécessairement se rassembler ou se déplacer ? Plus encore, il nous a fallu redéfinir ce que signifie être une institution avec une mission civique. En réponse, nous nous sommes concentrés sur la mise en ligne des archives audiovisuelles, et organisé des programmes dans lesquels artistes, écrivains et universitaires ont produit des textes et des œuvres mis en ligne.

Une de vos missions est d’encourager les jeunes artistes. Comment envisagez-vous de continuer à la perpétuer ?
Depuis plus de dix ans, notre priorité a été d’offrir un espace d’expérimentation permettant aux jeunes artistes de s’affranchir des pressions du marché pour se concentrer sur le développement de leur pratique artistique. En ce moment, nous travaillons à un programme d'études interdisciplinaires d’une durée de 10 mois. Il consiste dans la mise à disposition de 28 studios au sein de notre espace afin d’y accueillir artistes, écrivains, praticiens sociaux et collectifs. Notre projet vise à créer une communauté d’artistes autosuffisante en ces temps où de nombreux lieux de création disparaissent.

Comment la crise économique a-t-elle affecté l’écosystème culturel au Liban ? Pourra-t-il, selon vous, la surmonter ?
Notre écosystème culturel, déjà fragile, a beaucoup souffert de la crise financière. Les institutions culturelles ont toujours dû lutter collectivement contre le manque de soutien du ministère de la Culture. Sans oublier les problèmes de censure et un régime fiscal défavorable. Face à des conditions de précarité croissante, il faut privilégier et inventer des formes de solidarité. Tout en veillant à ce qu’artistes et praticiens continuent de produire des œuvres et de s’engager. Surmonterons-nous ces nouvelles difficultés ? Nul ne le sait. Car la crise financière et la pandémie Covid-19 révèlent toutes deux les fissures de notre système mondialisé et nous invitent à repenser notre façon de faire devant les bouleversements qui s’annoncent.