La valeur ajoutée est une notion fondamentale, car elle correspond à la création de richesse dans une économie. Cette variable est à la base de toute la réflexion économique depuis Adam Smith (1723-1790), l’auteur de la Réflexion sur la nature et les causes de la richesse des nations, qui a contesté la doctrine mercantiliste datant du XVIe et du XVIIe siècle, selon laquelle la richesse d’une nation se mesure à la quantité de métaux précieux qu’elle possède.
Aujourd’hui, on aurait spontanément tendance à considérer que la richesse d’un pays correspond à la somme de ses productions. Cette approche est erronée, car elle reviendrait à calculer deux, trois ou plusieurs fois un même élément (la latte de bois qui sort de chez le menuisier et la latte de bois intégrée à la table qui sort de l’usine de meubles, puis cette même latte, intégrée à la table vendue par un distributeur, etc.). Il est tout aussi faux de considérer la richesse en termes de patrimoine qui est un stock. La valeur de ce stock peut varier, mais cette variation n’est pas productrice de richesse.
L’accroissement de la valeur ajoutée est donc le moteur de la croissance. C’est pourquoi, on entend souvent des discours politiques axés sur la nécessité de favoriser des secteurs à “forte” valeur ajoutée. Ce qualificatif ne signifie pourtant pas grand-chose en termes économiques. Par exemple, un plombier est une unité de production à très forte valeur ajoutée. Car il a très peu d’intrants : hormis sa propre force de travail, peu de choses entrent dans son processus de production de services : le coût des joints de robinetterie est quasiment symbolique par rapport au montant de ses honoraires. Et les outils qu’il utilise sont davantage des investissements que des consommations intermédiaires. Or, chacun mesure intuitivement que la richesse d’une économie ne peut provenir de la multiplication des services de plomberie, aussi indispensables soient-ils.
La dynamique de la croissance n'est liée, en définitive, qu'à la productivité du travail qui dépend elle-même de la quantité des capitaux investis. Un homme sur un tracteur est plus productif qu’un homme muni d’une faux. L’existence d’un tracteur suppose un investissement.
L’accroissement de la valeur ajoutée dépend donc de la quantité (100 employés plutôt que 10, un tracteur plutôt qu’une faux) et de la productivité des facteurs de production (10 couturières assemblent 30 robes, alors que cinq ouvrières n’en fabriquent que 10, et non pas 15…).
La notion de valeur ajoutée est aussi souvent confondue avec un autre concept, celui de la rentabilité. La création de richesse au sein d’une collectivité est autre chose au sens économique que l’enrichissement d’un individu du fait de ses titres de propriété. La rentabilité est une notion qui s’applique uniquement au capital. Dans une économie capitaliste, elle est une condition de l’investissement, nécessaire à la création de richesse. La spéculation est, par exemple, une activité très rentable : on revend une tonne de matières premières 50 % plus cher qu’à son coût d’acquisition. Mais elle est totalement neutre en termes de création de richesse : cette activité n’a aucune valeur ajoutée. Autre exemple : la valeur ajoutée d’une industrie de conditionnement – qui achète des composants, leur fait subir une légère modification, les emballe et les revend ensuite – est souvent faible, ce qui ne l’empêche pas d’être rentable.
C’est une chose de mesurer la taille d’un gâteau et une autre de constater la répartition des parts de ce gâteau entre les différents convives. Certes, plus la valeur ajoutée est importante, mieux seront rémunérés le travail et le capital, mais la façon dont est partagée cette valeur entre les deux facteurs de production ne change rien au niveau global de la richesse produite.


La fabrique d’épingles d’Adam Smith : division du travail et productivité

« Ainsi, ces dix ouvriers (d’une fabrique d’épingles) pouvaient faire entre eux plus de quarante-huit milliers d'épingles dans une journée. Donc, chaque ouvrier faisant une dixième partie de ce produit peut être considéré comme faisant dans sa journée quatre mille huit cents épingles. Mais s'ils avaient tous travaillé à part et indépendamment les uns des autres, et s'ils n'avaient pas été façonnés à cette besogne particulière, chacun d'eux assurément n'eut pas fait vingt épingles, peut-être pas une seule dans sa journée, c'est-à-dire à coup sûr pas la deux cent quarantième partie et pas peut-être la quatre mille huit centième partie de ce qu'ils sont maintenant en état de faire, en conséquence d'une division et d'une combinaison convenables de leurs différentes opérations. »

Source : Extrait de Réflexion sur la nature et les causes de la richesse des nations – 1764.


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