Le Liban a adhéré au FMI le 14 avril 1947 et n’avait jamais emprunté de fonds jusqu’en 2007.
En tant que membre, sa quote-part s’élève à 203 millions de DTS (soit près de 320 millions de dollars) et son encours créditeur auprès du Fonds s’élève à 235 millions de DTS (soit près de 370 millions de dollars).
Cette quote-part a rapidement augmenté ces dernières années, elle était encore de 184 millions de DTS jusqu’à la fin de 2006, de 127 millions jusqu’à fin 1998 et 59 millions jusqu’à fin 1993. Le Liban dispose de 0,1 % des droits de vote et c’est le gouverneur de la Banque centrale qui représente le Liban en tant que membre du conseil des gouverneurs du FMI.
Durant la période de guerre, le FMI ne suivait pas le Liban et les relations n’ont repris que progressivement au début des années 90. Les premières missions de l’article IV, jusqu’en 1996, n’ont pas été réellement critiques par rapport aux politiques financières et monétaires suivies. Ce n’est qu’en 1997 que l’accumulation de la dette a commencé à susciter des inquiétudes sérieuses. La politique d’austérité progressivement mise en place à partir de fin 1997 a été influencée par les commentaires du FMI (dont les rapports sont toujours rédigés dans un style diplomatique auquel il faut s’habituer).
La pomme de discorde est cependant restée la politique de change, les responsables du FMI estimant clairement que l’ancrage de la livre au dollar américain aboutissait à une surévaluation et induisait des coûts fiscaux et économiques injustifiés.
La dégradation de la situation des finances publiques et de celle de la Banque centrale après 2000 ont encore alourdi les relations entre le FMI et le gouvernement libanais, en particulier entre feu Rafic Hariri et le directeur général du FMI à l’époque, Horst Kohler (devenu depuis président de l’Allemagne). L’enjeu principal restait la dévaluation.
Mais le système financier libanais a pu obtenir un sursis considérable par un concours de circonstances dans lesquelles le FMI n’avait rien à faire : la conjoncture politique régionale a permis de tenir la conférence de Paris II et de donner au Liban accès à des financements externes sans conditionnalités, les flux de capitaux privés en provenance du Golfe ont repris, dopés par les contrecoups des attentas de septembre 2001 et le recours aux emprunts et aux dépôts en devises est devenu de plus en plus massif.
Les concours du FMI n’étaient plus nécessaires et, suivant les règles des quotas, seraient en tout cas restés bien en deçà des besoins financiers et de la dette du Liban ; de plus, la dévaluation avait perdu de son impact potentiel du fait de la dollarisation extensive de l’endettement.
À partir de là, « les autorités monétaires libanaises n’avaient rien à demander aux institutions financières internationales – sauf quelques satisfecit dans des moments particulièrement difficiles – ... et, en retour, ces dernières ne pouvaient rien offrir d’utile aux yeux des autorités monétaires libanaises... Boucs émissaires potentiels, porteuses d’une aide non sollicitée et embarrassées quant aux résultats et aux moyens si elles devaient intervenir, les institutions financières internationales ont été progressivement amenées à adopter une attitude de distanciation » (2).
Cette situation a brutalement changé durant l’été 2006. La volonté politique des pays occidentaux (notamment les États-Unis) d’appuyer le gouvernement libanais ne pouvait pas les conduire à renouveler la formule de Paris II, aussi l’exigence d’une intervention du FMI pour suivre l’évolution de la situation financière au Liban et contrôler l’utilisation des fonds devenait-elle de plus en plus explicite ? Restait cependant la trace des attitudes antérieures, notamment celle de feu Rafic Hariri.
L’occasion a été fournie par l’offensive israélienne de 2006. Alors que les aides liées à la reconstruction avaient été annoncées à la conférence de Stockholm durant l’été 2006, la conférence de Paris III a été convoquée pour janvier 2007 et, dans la foulée, le FMI a été sollicité pour une aide d’urgence suivant le schéma connu par l’acronyme EPCA (Emergency Post Conflict Assistance) d’un montant de 50,75 millions de DTS (soit 25 % de la quote-part du Liban ou l’équivalent de 76,8 millions de dollars).
C’était en réalité la porte d’accès du FMI au dossier libanais, tel qu’exigé par les prêteurs. Le gouvernement libanais a soumis au FMI une demande formelle dans ce sens, et le Conseil du Fonds l’a approuvée, le 4 mai 2007. Dans sa décision, il apparaît clairement que l’EPCA n’est qu’un prélude à un programme classique du FMI : « Les objectifs du programme soutenu par le FMI sont de protéger la stabilité financière, de contenir le déficit budgétaire, d’initier les réformes structurelles indispensables au succès du programme de réformes à moyen terme du gouvernement libanais pour 2007-2010. Le programme postconflit contribuera à faciliter la transition d’une situation postconflit à un programme d’ajustement structurel commençant en 2008. L’aide du FMI, à travers l’EPCA, est un élément-clé d’un effort international concerté d’assistance financière au Liban. » À titre de comparaison, dans les documents généraux du FMI, l’assistance postconflit est présentée ainsi : « Cette assistance est limitée aux cas où le pays membre ayant un besoin urgent de balance des paiements se trouve incapable de formuler et de mettre en œuvre un programme économique global parce que ses capacités ont été endommagées par le conflit, mais dispose néanmoins d’une capacité suffisante de planification et d’exécution de la politique économique. »
Dans les faits, une première liste de conditionnalités a été adoptée et le FMI a décidé d’installer un bureau permanent de suivi au Liban comme c’est l’usage pour tous les pays qui suivent un programme du FMI. Cette représentation n’a rien à voir avec le METAC (Middle East Technical Assistance Center) dans lequel le FMI est directement impliqué et qui a été installé à Beyrouth depuis 2004 pour assurer des services d’assistance technique aux pays de la région.
Malheureusement, ce choix majeur de politique économique, longtemps refusé et maintenant entériné, reste ignoré de la plupart des Libanais.

(2) Charbel Nahas “Un programme socio-économique pour le Liban”, LCPS, 2006, p. 43.


Tableau et graphe inclus dans la version pdf.