Le Liban compte encore 65 établissements bancaires, contre 85 au début des années 1990. Jugé nécessaire par la plupart des acteurs du secteur, le mouvement de consolidation a été encouragé par la loi 192/93 sur les fusions bancaires du 4 janvier 1993 dont l’effet a été prorogé à plusieurs reprises jusqu’en 2003. Depuis cette date, un désaccord concernant les prérogatives de la Banque centrale a empêché la reconduction du texte, créant un vide juridique qui vient d’être levé, en février dernier. Il est toutefois encore trop tôt pour dire si les opérations de fusions/acquisitions vont reprendre, car ces dernières dépendent avant tout des opportunités qui se présentent sur le marché.
La loi de 1993 avait été conçue pour favoriser l’acquisition de banques fragilisées par quinze ans de guerre. Une banque saine fusionnant avec une banque défectueuse bénéficiait ainsi de crédits bonifiés accordés par la Banque centrale pour absorber les pertes de la banque rachetée. Valable cinq ans, la loi a été reconduite en 1998. En 2003, des désaccords ont bloqué sa reconduction. Ils portaient sur l’article 6 en vertu duquel la Banque centrale détenait seule le pouvoir d’octroyer des crédits bonifiés et de définir leurs conditions. Le gouvernement de l’époque a souhaité avoir son mot à dire puisque les subventions sont financées par l’argent des contribuables. Une nouvelle loi (n° 675) est alors votée en février 2005. Tout en gardant l’esprit de l’ancienne, elle apporte deux modifications essentielles : elle supprime le délai de validité de la loi, qui devient permanente, et elle amende l’article 6 pour lier son application à un décret du Conseil des ministres.
Celui-ci a finalement été adopté cette année.
La différence majeure porte sur la définition précise des postes du bilan de la banque rachetée servant à calculer le montant du prêt. « La décision d’octroyer le prêt revient toutefois à la Banque centrale, ainsi que la définition des conditions, du taux d’intérêt, de la marge et des garanties exigées », explique Suzanne Kaaki, du département légal de la Banque du Liban.
En cas d’urgence exceptionnelle, à savoir pour sauvegarder la stabilité immédiate du système financier, la Banque du Liban peut déroger à ce règlement, à condition qu’elle avise immédiatement le Conseil des ministres des causes de cette dérogation et des mesures spéciales qu’elle a dû prendre.

Le mécanisme du prêt
Le mécanisme impose aussi des conditions à la banque bénéficiaire du prêt. Elle doit placer l’argent du crédit qu’elle reçoit de la Banque centrale en bons du Trésor en livres libanaises sur le marché primaire ou, à défaut, dans des titres ou des opérations approuvées par la BDL. La marge résultant du différentiel de taux entre le prêt bonifié et les bons du Trésor sert à couvrir les frais de la fusion, moyennant un certain pourcentage reversé à la BDL.
La banque bénéficie en outre d’un délai de six mois pour demander l’augmentation du montant du prêt alloué. Cette demande doit être justifiée par le besoin de couvrir certains frais hors bilan qui n’ont pas été inclus dans le calcul du prêt.
Ce mécanisme n’a pas changé par rapport à l’ancienne loi, à la différence près que le pourcentage reversé à la BDL est aujourd’hui flexible, alors qu’il était fixé auparavant à 60 %.
Le décret impose aussi à la Banque centrale de prendre les mesures nécessaires pour poursuivre devant les tribunaux compétents les responsables de la détérioration de la situation de la banque, en levant le secret bancaire (même s’il n’y a pas de faillite). Elle doit notamment agir s’il y a contravention aux lois en vigueur, et plus spécifiquement s’il y a contravention aux articles 166 et 167, alinéas 2 du code du commerce. Le premier engage la responsabilité des administrateurs vis-à-vis des tiers de tout acte frauduleux et le deuxième engage leur responsabilité vis-à-vis des actionnaires de leurs fautes de gestion.
« Le décret d’application de la loi sur les fusions bancaires officialise des pratiques que la Banque centrale appliquait par le passé », précise Georges Doumit, de la Commission de contrôle de la Banque centrale.